Ragnotti, 71 ans, et toujours la gomme avec Renault
Pilote de la marque au Losange depuis ses débuts, l'inoxydable Jean Ragnotti, à 71 ans, passe toujours autant de temps derrière un volant, ou à raconter ses aventures, et ne semble guère s'en lasser.
Photo de: XPB Images
De la R8 Gordini de 1967 à la Mégane Kit-Car avec Philippe Bugalski en 1996, Jean Ragnotti a presque tout piloté chez Renault. À 71 ans, l'homme, né dans le Vaucluse, est toujours aussi actif, et toujours aussi peu avare en anecdotes, que ce soit sur sa carrière, ou sur le sport automobile d'aujourd'hui.
Motorsport.com : Jean Ragnotti, cela fait combien de temps que vous travaillez pour Renault ?
Jean Ragnotti : J'ai débuté en amateur au volant de la R8 Gordini en 1967. À l'époque, j'étais chauffeur routier dans la vraie vie ! C'était déjà du Renault. Ensuite, je suis parti pendant quelques années, en passant par la monoplace, le sport prototype, entre 73 et 75. Mon premier contrat officiel avec Renault, c'est en 1973 que je le signe, pour le Rallye du Monte Carlo, sur une R12 Gordini. Ensuite, j'ai fait des piges avec la Berlinette Alpine.
J'ai commencé à travailler régulièrement pour eux en 1976. Depuis, je ne suis jamais parti ! Jusqu'en 1996, j'ai tout connu. Les R5 Alpine, les R5 Turbo, la R21 en Supertourisme, les Formule 1 en essais, jusqu'à la Renault Mégane Kit-Car. Renault a eu la sympathie de me laisser courir au Mans avec Jean Rondeau, mais autrement, je n'ai jamais plus piloté que pour eux. Ça va faire 40 ans que j'y suis je ne vois pas le temps passer !
Était-ce quelque chose d'important pour vous de rester chez Renault tout au long de votre carrière ?
Oui, c'était important pour moi de rester avec eux. J'ai eu des propositions de la concurrence. J'ai toujours refusé car Renault me permettait de faire du rallye, de conduire des Formule 1, de participer aux 24 Heures du Mans, du supertourisme... En tant que passionné de la conduite, c'est ce que je préférais. En partant à la concurrence, peut-être que je n'aurais fait qu'une seule catégorie, et probablement le rallye. On m'a proposé notamment de faire le championnat du monde. Mais ce que je visais avant tout, c'était le plaisir. Et Renault me l'a toujours procuré.
En général, les constructeurs embauchent des pilotes qui veulent la victoire à tout prix. À chercher en priorité le plaisir, vous êtes finalement une exception ! Quel est votre secret ?
À une époque, François Guiter, le patron Elf, qui a notamment lancé en Formule 1 de nombreux pilotes français (François Cévert, René Arnoux, Didier Pironi...) m'avait proposé de faire la F1. C'était en 1975, et j'étais aussi rapide que René Arnoux.
Oh non, la F1, c'est pas sympa. L'hôtel, le circuit, l'hôtel, le circuit.. Moi je trouve que le rallye, c'est beaucoup plus agréable, sain.
Jean Ragnotti, à François Guiter, en 1975.
Je lui avais répondu : "Oh non, la F1, c'est pas sympa. L'hôtel, le circuit, l'hôtel, le circuit.. Moi je trouve que le rallye, c'est beaucoup plus agréable, sain." Ça l'a vachement choqué, surpris.
Plus tard, dans des réunions, je l'ai entendu dire : "Quand je pense que j'ai proposé à Ragnotti de faire de la F1 et qu'il a refusé..." Il s'en amusait beaucoup. Normal, un autre pilote à qui il aurait proposé cela aurait sauté sur l'occasion à pieds joints !
Comme je le disais, je me suis toujours fait plaisir. Je n'ai pas eu d'ennemi en sport automobile. Alors que j'ai arrêté la course en 1996, mon nombre de supporters a augmenté énormément. Incroyable ! Des gens viennent de tous les pays ! À Lohéac, pour mes 70 ans, des gens sont montés des Asturies pour me voir. Monter jusqu'à Rennes, ça en fait des kilomètres !
Certains démontent des pièces de leurs voitures pour les faire dédicacer. Le fait que je sois proche du public, le côté amical... ça me fait plaisir !
Depuis 1996, quel est votre rôle chez Renault ?
Mon contrat a basculé de Renault Sport à la communication. Je bouge pas mal ! Comme il n'y a plus de World Series, je fais moins d’acrobaties avec la R5 Turbo, mais je fais encore des ouvertures de rallyes, des événements comme cela ! Enfin, je signe aussi beaucoup d'autographes ! À Nogaro, pour les Classic Festival, c'était trois à quatre heures par jour !
À 71 ans, vous êtes toujours derrière un volant, alors que d'autres auraient raccroché depuis longtemps. Qu'est ce qui vous pousse à encore piloter ?
C'est tout d'abord la passion ! J'ai toujours fonctionné comme ça. Premièrement, je veux m'amuser au volant, deuxièmement, faire plaisir au public, ce qui entraîne peut-être les longues heures d'autographes, et troisièmement, faire plaisir à mon employeur. J'essaye de tout joindre en même temps, pour que tout le monde soit content. Ce qui semble plutôt bien marcher !
Vous qui avez pu piloter toutes sortes d'autos depuis les années 60, quel est votre regard sur le sport automobile d'aujourd'hui ?
La Formule 1 a évolué grâce à la technique, les ingénieurs. C'est moins le cas pour le rallye. J'ai connu des périodes où il y avait énormément de constructeurs impliqués, parce que le rallye ne coûtait pas trop cher.
Maintenant, ça coûte plus cher, le kilométrage des rallyes a été revu fortement à la baisse. Les pilotes d'aujourd'hui ne connaissent que des course qui commencent pratiquement à 8 h et terminent à 18 h. Nous, c'était plutôt l'inverse. Physiquement, c'était plus dur. Les voitures étaient plus compliquées à conduire, sans l'électronique. En rallyes, il y a une évolution dans le mauvais sens.
En F1, les courses durent toujours deux heures, et les courses restent courses. Si aujourd'hui, François Guiter m'avait proposé de faire du rallye ou de la F1, j'aurai peut-être choisi la F1. Quant au Mans, j'ai y ai participé sept fois, notamment avec Renault et Guy Fréquelin, puis avec Rondeau. Je trouve que c'est une très belle épreuve, un tout petit peu dangereuse, car ça roule très vite ! Mais j'ai toujours aimé y participer !
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