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Beltoise, épisode 5 - "Il ne faut pas lésiner sur la sécurité"

À l’occasion du premier anniversaire de la disparition de Jean-Pierre Beltoise, le 5 janvier 2015, Motorsport.com publie l’interview exclusive qu’il avait accordée en 2011 à l’édition française du magazine F1 Racing.

Jean-Pierre Beltoise

Jean-Pierre Beltoise

Dans cette dernière partie, celui que ses amis surnommaient “Bébel” – comme une autre illustre personnalité de sa génération – évoque les dangers de la course puis un domaine qui en découle et prit une grande place dans sa vie après sa retraite de pilote : la sécurité routière. Et aussi, car ici on parle surtout de sport, les pilotes qui l’ont le plus marqué... (Photos Jérôme Chabanne)

Parlons de la sécurité. Quel regard portez-vous sur les progrès qui ont été effectués, et n’a-t-on pas été un peu trop loin en enlevant quasiment toute part de risque avec tous ces dégagements?

Vous savez... Déjà à mon époque, quand quelqu’un avait émis l’idée qu’avec de trop grands échappatoires, les pilotes s’attaquaient un peu trop, mon regretté ami Jo Schlesser avait répondu, sous forme de boutade, en proposant de mettre des pieux bien aiguisés en direction des voitures ou quelque chose de ce genre, afin de s’assurer que les pilotes prennent des risques...

Sans aller jusque-là, bien sûr, et sans souhaiter que les pilotes se blessent, n’est-il pas dommage que les fautes ne soient plus, ou moins, sanctionnées aujourd’hui, par exemple avec des bacs à gravier?

Quand un pilote sort, c’est rarement de sa faute. Ça peut être dû à une casse mécanique, de l’huile sur la piste, ou une incompréhension avec un autre pilote. La moindre des choses, c’est que la présence d’une échappatoire lui évite de se faire mal... J’ajoute que si des efforts n’avaient pas été faits en matière de sécurité, il n’y aurait peut-être plus de courses automobiles...

Imaginez, avec les vitesses actuelles... À l’époque de Fangio, ils encaissaient un G. À la mienne, deux. Aujourd’hui, c’est quatre... Il ne faut pas lésiner sur la sécurité. Vous qui venez de Clermont-Ferrand : ce qui a tué ce circuit magnifique mais très dangereux [Charade], c’est le refus d’y ajouter quelques rails pour éviter qu’un pilote qui sortait ne heurte directement un arbre au bord de la route.

Quand un pilote sort, c’est rarement de sa faute. La moindre des choses, c’est que la présence d’une échappatoire lui évite de se faire mal...

À propos des progrès de la sécurité en sport automobile

On voit aussi beaucoup de pilotes retarder trop leur freinage en sachant qu’il ne risquent pas la faute éliminatoire, ou court-circuiter des chicanes...

Oui, mais la faute est de toute façon sanctionnée par une perte de temps. Les bacs à gravier, ce n’est pas une bonne solution. Une voiture plantée devient un danger pour les autres, on peut avoir l’obligation d’interrompre la course, etc.

 

Jean-Pierre Beltoise
Jean-Pierre Beltoise

Photo by: Jérôme Chabanne

Mais comme l’accident fatal à Ayrton Senna, notamment, a eu tendance à le montrer, les vrais progrès ne sont-ils pas ceux qui ont été réalisés sur les voitures, grâce auxquels les circuits auraient pu être moins dénaturés qu’ils ne l’ont été au nom de la sécurité?

On va peut-être un peu trop loin certaines fois, ou les choses sont un peu mal faites. Quand j’ai arrêté la course en monoplace, je ne pensais pas que cela irait aussi vite de faire des circuits sûrs, ou que l’on pourrait stopper le feu en cas d’impact. N’oublions pas que Jo Siffert, Roger Williamson et beaucoup d’autres sont morts brûlés.

Il est prouvé aussi que le corps peut résister à 150 G, en effet. On a fait ce qu’il fallait pour protéger le côté du cockpit, les roues sont attachées au châssis...

Quand j’ai arrêté la course en monoplace, je ne pensais pas que cela irait aussi vite de faire des circuits sûrs, ou que l’on pourrait stopper le feu en cas d’impact.

Les souvenirs d'un pilote qui en a tellement vu disparaître...

Ceci nous amène à ce qui a été votre principale activité depuis votre retraite de pilote : votre implication en matière de sécurité routière – avec les centres Conduire Juste un peu partout en France –, axée sur la bonne conduite et non la conduite sportive. D’où vous est venue la volonté d’œuvrer dans ce domaine, et avez-vous alors mis de côté votre passé de pilote?

Non, c’est grâce à mon passé de pilote que je me suis lancé. En fait, j’ai œuvré avec Jackie Stewart au sein du GPDA et j’ai été mandaté par la FISA [alors la branche sportive de la FIA] pour les circuits ; à l’époque, j’ai homologué Long Beach, et d’autres circuits lointains. Il y avait tellement de morts qu’il fallait faire le maximum pour que les pilotes ne se tuent pas bêtement.

De plus, j’ai été confronté à la sécurité au quotidien puisque mon frère cadet et ma première épouse se sont tués sur la route. Tout ça m’avait secoué. Je me suis dit que c’était trop bête de se tuer sur la route, que la vie était trop belle. Moi-même, je suis devenu très prudent sur la route, méfiant de tout. Voilà pourquoi j’ai créé Conduire Juste. Et tout ce qui s’est passé après, mes prises de position, c’est parce que j’ai vu trop de morts qui ne devraient pas être morts. À la fois en course et sur la route.

Au début, des gens m’ont dit : “Comment veux-tu apprendre aux gens à bien conduire? C’est stupide et utopique.” Et puis finalement, maintenant, on s’aperçoit que c’est dans l’air du temps. Idem pour les économies d’énergie : moi, j’ai commencé il y a longtemps à faire des economy runs avec la FFSA [Fédération française du sport auto]. On ne parlait pas encore de rejet de CO2 mais de moins consommer, pas de protection de la planète mais de faire moins de mal au porte-feuille.

Tout ce qui s’est passé après [la création de Conduire Juste], mes prises de position, c’est parce que j’ai vu trop de morts qui ne devraient pas être morts. À la fois en course et sur la route.

Sur son implication an matière de sécurité routière

Là, on était plus dans la notion d’endurance que de sprint...

Pour moi, les qualités d’un bon conducteur sur la route sont les mêmes que celles d’un pilote : la vista, regarder au loin et au large, tout prévoir, avoir une force de réaction rapide – mais tout ça, avec deux buts différents. En course, c’est d’aller le plus vite possible puisque si on garde une marge de sécurité de 0,1%, celui qui ne garde que 0,05% sera toujours devant ; sur la route, la marge, c’est 50% pour déjouer les pièges. Mais les facultés sont les mêmes. Pour être le plus rapide d’un côté, quitte à avoir un petit déraillement de temps en temps, arriver au bout du voyage de l’autre – et à tous les coups.

 

Jean-Pierre Beltoise
Jean-Pierre Beltoise

Photo by: Jérôme Chabanne

En guise de conclusion, et pour revenir à la course, quels sont les pilotes qui vous ont le plus marqué, à votre époque et depuis?

Behra, Fangio quand j’étais très jeune. Mais en tant qu’adversaire, aucun ne m’a vraiment marqué. Jim Clark était vraiment très doué, il a fait quelques trucs exceptionnels. On s’est pas mal battus en F2, et j’ai pu observer son talent à endormir un adversaire puis sortir d’un coup de l’aspiration pour le doubler. J’avais une grande admiration pour lui. C’était quelqu’un de correct, en plus... Jackie Stewart, bien sûr ; un grand monsieur.

Là, je ne dis ceux que j’aime bien. Je ne veux pas dire de mal des autres. Ou alors en “off”, si vous voulez. [rire]

Prost a fait une carrière magnifique. J’admirais beaucoup Didier Pironi, qui était un de mes copains. Senna, un peu moins, à cause du côté mystique. Schumacher, oui.

Son appréciation des grands pilotes d'après son époque

Et plus récemment? Prost, Senna, Schumacher?

Prost a fait une carrière magnifique, très sérieuse. J’admirais beaucoup Didier Pironi, qui était un de mes copains. Senna, un peu moins, à cause du côté mystique. Schumacher, oui. Il a souvent été mal jugé mais il n’a jamais craché sur un pilote et a même, au contraire, “vendu” des garçons comme Frentzen ou Wendlinger. Un grand professionnel.

Ce sera le mot de la fin. Merci beaucoup, Jean-Pierre.

Avant de nous quitter, je vous emmène faire un tour de circuit? À vitesse réduite, bien sûr...

 

Ainsi s’achève la publication de cette interview sur Motorsport.com, en hommage à Jean-Pierre Beltoise.

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