Édito - Où sont les Britanniques ?
Où sont les Britanniques ? Cette question résume à elle seule le paradoxe de la Formule 1 actuelle outre-Manche, alors que d'autres pays européens y connaissent des trajectoires diverses.
Photo de: XPB Images
Car si le Royaume-Uni dispose d'un triple Champion du monde, probablement bientôt quadruple, en la personne de Lewis Hamilton, celui-ci devrait représenter seul son pays lors du prochain Grand Prix, à Austin, en raison de l'éviction de Jolyon Palmer – sauf étonnant retournement de situation.
Un seul Britannique au départ, ce sera une première depuis les Grands Prix d'Espagne et de Monaco 2005, où Jenson Button était resté sur la touche en raison de l'exclusion temporaire de son écurie BAR. Au-delà, il faut remonter au Grand Prix de Saint-Marin 1982, où de nombreuses écuries de la FOCA (Formula One Constructors' Association) avaient déclaré forfait à l'apogée des tensions avec la FISA (ancêtre de la FIA).
Le Royaume-Uni n'a pourtant jamais été avare en pilotes, de premier plan ou non. Il s'agit du seul pays qui compte plus de trois Champions du monde différents – pas moins de dix ! – et pour l'anecdote, cinq Grands Prix de Grande-Bretagne se sont disputés avec au moins 15 Britanniques sur la grille, entre 1952 et 1961.
Or, le pays où se trouvent la "Motorsport Valley", la majorité des écuries de F1 et Silverstone, berceau (légitimement) autoproclamé du sport automobile, n'est quasiment plus représenté. Les Britanniques sont pourtant un certain nombre à être passés dans l'élite ces dernières années, échouant toutefois souvent à s'y implanter durablement, faute de budget et/ou de talent suffisant : Jolyon Palmer, Paul Di Resta, Will Stevens et Max Chilton en sont l'exemple. D'autres comme Sam Bird et Alex Lynn n'ont jamais trouvé d'ouverture et font carrière avec succès dans d'autres catégories.
Il est logiquement difficile de trouver des sponsors dans un pays imprégné de la culture du sport auto, où tant de pilotes tentent leur chance, par rapport à ceux qui deviennent de véritables ambassadeurs, comme Rio Haryanto pour l'Indonésie ou Sergio Pérez avec le Mexique. D'autant qu'en ces temps d'austérité, ce n'est certainement pas le gouvernement qui va investir des millions dans un projet qui risquerait fort d'être sans lendemain.
L'exemple Racing Steps Foundation
Il existe, c'est vrai, l'association Racing Steps Foundation, qui prend sous son aile des jeunes pilotes britanniques parmi les plus prometteurs pour leur faire gravir les échelons en formules de promotion, sur deux ou quatre roues. Ce sont notamment eux qui ont soutenu Oliver Rowland jusqu'à son titre en Formule Renault 3.5, mais financer une saison en F1 est inenvisageable.
Le budget envisagé par RSF pour faire monter les échelons à un pilote de la Formule 4 à la Formule 2, quel que soit le chemin emprunté, est aux alentours de huit millions d'euros... Probablement l'équivalent de ce que requerrait "l'achat" d'un baquet en Formule 1.
Ainsi arrive-t-il souvent que les pilotes RSF se tournent vers des choix de carrière alternatifs, sans même tenter leur chance en Formule 2, comme c'est le cas pour Jake Dennis et Ben Barnicoat depuis cette année.
Tout n'est pas tout sombre pour autant. Le Royaume-Uni est généralement la nation la plus représentée dans les formules de promotion majeures, et plusieurs jeunes loups sont sur les rangs pour accéder à l'élite dans les années qui viennent. Ne serait-ce que ceux qui sont soutenus par des constructeurs de Formule 1 : l'étoile montante George Russell pour Mercedes, le prodige Lando Norris chez McLaren et les valeurs sûres Oliver Rowland et Jack Aitken en ce qui concerne Renault.
Lorsque Lando Norris remportera (sauf immense surprise) le titre de F3 Europe ce week-end, ces quatre jeunes hommes cumuleront des titres dans toutes les formules de promotion majeures (on entend par là GP2/F2, F3.5, GP3 et F3 Europe), mais aussi en Formule Renault 2.0 où ils ont tous brillé.
Toutes ? Il est vrai que la Formule 2 leur échappe encore... mais Russell et Norris, voire Aitken, vont la prendre d'assaut l'an prochain, et n'auront certainement d'autre objectif que de suivre les traces de Charles Leclerc en remportant le titre dès leur première tentative. Le seul de ce quatuor à y avoir couru est Oliver Rowland, qui est bien parti pour être vice-Champion cette année, et si certains pensent que ses 25 ans sont rédhibitoires pour une arrivée en Formule 1, il convient de se rappeler qu'il a commencé la monoplace à 18 ans – à l'ancienne.
Quoi qu'il en soit, tous bénéficieront du nouveau système de Super Licence, qui écartera des concurrents peut-être plus fortunés mais moins talentueux en leur faveur quand il s'agira de briguer un baquet dans l'élite.
De plus, ils ne sont pas seuls ! Des pilotes comme Callum Ilott, Alexander Albon et Jake Hughes ont également démontré un potentiel intéressant, sans oublier d'autres protégés d'écuries de F1 comme Max Fewtrell (Renault) et Dan Ticktum (Red Bull) qui n'évoluent pour l'instant qu'en Formule Renault – bien que Ticktum pige actuellement en GP3 avec des performances convaincantes.
Les Allemands se font rares
Outre-Rhin, c'est également une statistique intéressante qui attire notre attention. Le Grand Prix de Singapour a mis fin à une série record de 176 Grands Prix dans les points pour les pilotes allemands, entre le Grand Prix de France 2008 (où Timo Glock, Sebastian Vettel, Nick Heidfeld, Nico Rosberg et Adrian Sutil avaient tous fini hors du top 10) et le Grand Prix de Singapour 2017 (l'accrochage du départ a éliminé Vettel tandis que Nico Hülkenberg a été trahi par son moteur, Pascal Wehrlein se classant quant à lui dernier).
Très peu présente chez les pilotes lors des quatre premières décennies de la Formule 1 malgré les nombreux Grands Prix qui y étaient disputés, l'Allemagne a depuis lors connu un véritable engouement avec les records battus par Michael Schumacher, d'où cette génération dorée de pilotes dans les années 2000, avec en point d'orgue l'éclosion de Sebastian Vettel, alias "Baby Schumi". Un surnom qui ne lui colle d'ailleurs plus du tout à la peau.
Quatre titres mondiaux pour Vettel, trois pour Mercedes, un pour Rosberg, et pourtant, la Formule 1 ne semble plus faire recette chez nos amis allemands. Tandis que Silverstone continue d'attirer un public extrêmement nombreux et passionnés, Hockenheim et le Nürburgring peinent à remplir leurs tribunes, si bien qu'il n'y a pas eu de Grand Prix d'Allemagne cette année.
En contrée saxone, rares sont les jeunes qui semblent en mesure d'atteindre la Formule 1 dans un avenir proche. Maximilian Günther et Mick Schumacher sont très bons pilotes, mais n'ont rien montré d'extraordinaire pour l'instant. Et le jeu de chaises musicales qui s'opère pourrait bien contraindre Pascal Wehrlein à trouver refuge ailleurs qu'en F1. Ainsi pourrait-on se retrouver avec seulement deux pilotes allemands sur la grille pour la première fois depuis l'ère des frères Schumacher, et dans ce cas précis, on imagine mal la situation évoluer drastiquement dans un avenir proche.
Alors que l'Italie espère concrétiser son retour sur la grille avec Antonio Giovinazzi, seul transalpin à avoir couru en Formule 1 depuis Jarno Trulli, la France dispose désormais de trois pilotes capables de jouer les points à la régulière avec Romain Grosjean, Esteban Ocon et Pierre Gasly. Situation inédite depuis... la saison 1995, où Jean-Christophe Boullion avait accroché deux top 6 tandis que Jean Alesi et Olivier Panis multipliaient les places d'honneur.
Mais s'il est une nation européenne qui peut se féliciter de son avenir proche, c'est véritablement Monaco, qui semble avoir trouvé un digne successeur à Louis Chiron, et peut-être même encore mieux, avec un Charles Leclerc qui est attendu chez Sauber pour 2018 après être devenu le premier pilote à être sacré à la fois en GP3 et en GP2/F2. Si ces débuts dans l'élite se confirment, nul doute que de nombreux regards seront tournés vers lui à Melbourne.
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