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Le "salaud" qui devint le premier Champion du monde F1

Le 13 mai 1950, la première manche comptant pour le tout nouveau Championnat du monde de Formule 1 était remportée par Giuseppe Farina, à Silverstone. L'Italien, futur premier Champion de la discipline, se tailla tout au long de sa carrière une réputation de pilote au style reconnaissable et précurseur mais à l'agressivité exacerbée en piste.

Giuseppe Farina avec la couronne du vainqueur

Giuseppe Farina avec la couronne du vainqueur

LAT Images

Âgé de 43 ans au moment de prendre, en pole, ce premier départ dans ce nouveau championnat, Giuseppe "Nino" Farina avait déjà remporté d’importantes victoires dans les années 1930 mais, comme beaucoup, avait certainement perdu ses meilleures saisons avec la Seconde Guerre Mondiale. Débutant véritablement la course sur circuit en 1933, et montrant déjà une grande prédisposition pour les accidents, il intégrera la Scuderia Ferrari en 1936 après avoir impressionné Enzo Ferrari au volant de Maserati.

À l’époque, Ferrari faisait rouler les Alfa Romeo officielles. La première victoire d’importance de Farina eut lieu lors du Grand Prix de Naples 1937, après une seconde place lors des Mille Miglia où il roula la nuit sans phares. Il fut propulsé au rang de pilote numéro 1 au moment du départ chez Auto Union d'une des grandes stars de l'époque, qui fut également son mentor et lui permit d'affiner son pilotage, Tazio Nuvolari. Alors qu’il remporta plusieurs courses importantes en 1939 et 1940, et trois Championnats d'Italie à une époque où le niveau de la concurrence était élevé, il semblait en passe d'arriver au sommet de son art, à l'âge de 34 ans. La guerre mit alors fin aux compétitions.

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Giuseppe Farina au volant de l'Alfa Romeo 12C-36 lors de l'Eifelrennen 1937

Giuseppe Farina au volant de l'Alfa Romeo 12C-36 lors de l'Eifelrennen 1937

"Sur la piste, c'était un salaud"

On a toujours tendance, quand notre regard actuel se porte sur les temps reculés de la F1 et du sport automobile en général, à immédiatement considérer les pilotes d’alors comme des gentlemen d'âge plutôt mûr, des genres de seigneurs de la course, qui plus que quiconque connaissaient les risques et agissaient donc pour le mieux de tous, en minimisant les comportements dangereux. Mais Farina n’était clairement pas considéré un seigneur, au contraire.

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Le Docteur Farina (il était titulaire d’un doctorat en sciences politiques) jouissait d’une réputation de concurrent très dur dans les luttes, de qui il fallait se méfier quand il était proche en piste. Cela fut renforcé par son implication directe dans les morts de Marcel Lehoux lors du Grand Prix de Deauville en 1936, après une collision au moment de lui prendre un tour qui envoya les deux véhicules en tonneaux, et de László Hartmann lors du Grand Prix de Tripoli 1938, là encore suite à un accrochage qui retourna les voitures alors qu’il prenait un second tour au Hongrois.

Stirling Moss, qui fit la connaissance de Farina dans les années 1950, fut un témoin privilégié du comportement de l’Italien. "Indubitablement, il était un grand pilote, et j’aimais son style relâché, avec les bras tendus. En fait, je l’ai copié ! Sur la piste, cependant, Farina était un salaud. S’il vous prenait un tour, il fallait être absolument sûr de ne pas le retenir sinon il vous poussait dehors, et il faisait la même chose avec des gens inexpérimentés. À cette époque, on ne rencontrait pas souvent ce que l'on appelait du ‘pilotage sale’, mais il était différent..."

Au premier plan, de gauche à droite : Giuseppe Farina, Reg Parnell, Stirling Moss, Alberto Ascari et Ken Wharton

Au premier plan, de gauche à droite : Giuseppe Farina, Reg Parnell, Stirling Moss, Alberto Ascari et Ken Wharton

Le plus souvent poli et charmant hors des voitures, il pouvait se montrer d'une arrogance rare envers certains de ses collègues qui n'avaient pas forcément les mêmes origines sociales que lui. Son surnom de "Gentleman de Turin" venait surtout de son appartenance à un milieu social aisé et de sa prestance naturelle, que ce soit dans ou à l'extérieur du cockpit. Au volant de ses voitures, il faisait ainsi montre d'un style particulier, qui influença donc Moss mais aussi Juan Manuel Fangio, entre autres. Assis bien droit, le plus reculé possible dans le siège, il saisissait le volant avec les bras tendus. Il avait également adopté un pilotage plutôt calme, économe de mouvements et doux sur l'accélérateur. 

Pourquoi, malgré ce style plutôt à l'opposé de l'image de briseur de mécaniques qu'il a pourtant laissé, était-il plus enclin aux accidents qui ont jalonné sa carrière ? Sans doute en raison d'une certaine méconnaissance de l'aspect mécanique et d'incompréhensions qui l'amenaient à dépasser la limite en mettant son matériel à l'épreuve. Des incidents nombreux dont il ne se sentait jamais responsable, mais qu'il attribuait à la malchance ou à des véhicules fragiles. Sa survie en dépit de ces nombreuses cabrioles ? Il estimait qu'elle était liée à sa grande croyance en Dieu, et surtout pas à la chance. Il ne manquait d'ailleurs pas d'adresser des prières de remerciement à la Vierge Marie après chacun de ses accidents.

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À jamais le premier

Après-guerre, Farina rejoignit l’équipe Alfa Corse, la structure d’usine d’Alfa Romeo, aux côtés d’Achille Varzi, Jean-Pierre Wimille et Carlo Felice Trossi. Il triompha en 1946 au Grand Prix des Nations de Genève, avant qu’une divergence de vues au sujet du leadership sportif ne lui fasse quitter Alfa et manquer l’intégralité de l’année 1947. De retour en 1948, il s’offrit au volant d’une Maserati privée une victoire de prestige, avec le Grand Prix de Monaco.

Pendant ce temps, chez Alfa, la tragédie frappa : Varzi se tua en 1948 sous la pluie lors des essais du GP de Suisse, Wimille en janvier 1949 (au volant d'une Simca-Gordini) en évitant des enfants sur la piste lors des essais pour le GP de Buenos Aires et Trossi mourut d’un cancer en mai 1949. Pour s’engager dans le tout premier Championnat du monde de Formule 1, Alfa Romeo fit alors appel aux "trois F" pour piloter ses fameuses 158 : Luigi Fagioli, Juan Manuel Fangio et donc Giuseppe Farina en tant que leader.

Giuseppe Farina au volant de l'Alfa Romeo 158 lors du GP de Grande-Bretagne 1950

Giuseppe Farina au volant de l'Alfa Romeo 158 lors du GP de Grande-Bretagne 1950

Si aujourd'hui les choses paraissent claires sur le talent de l’Argentin et le fait qu’il était sans aucun doute possible le meilleur des trois, cette première année fut le théâtre d’une lutte acharnée contre Farina, qui l’emporta pour trois petits points après trois victoires chacun sur les sept Grands Prix au programme. En 1951, en revanche, l’Italien ne signa qu’une seule victoire, à Spa, et ne put rien faire non seulement contre son équipier Fangio mais également contre le nouveau pilote numéro 1 de l’Italie, Alberto Ascari sur Ferrari.

Suite au retrait d’Alfa, Farina trouva justement refuge au sein de la Scuderia et se lia d'amitié avec Ascari. De juin 1952 à juin 1953, ce dernier fit étalage de sa classe en gagnant toutes les courses et en s’adjugeant du même coup les deux couronnes. Le Champion du monde 1950 l’emporta tout de même sur le redoutable Nürburgring en 1953 à l’âge de 46 ans, pour ce qui sera son dernier succès en Formule 1, même s’il gagna en parallèle de nombreuses épreuves hors championnat. En 1954, à 47 ans et sans aucune envie de retraite, il prit le rôle de leader chez Ferrari après le départ d’Ascari vers Lancia. Malheureusement, il subit deux accidents graves. D’abord lors des Mille Miglia qu’il menait puis lors du Supercortemaggiore Grand Prix, un course d’Endurance, à Monza et dût renoncer à la plupart des GP disputés cette année-là.

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Une trop grande douleur

De retour en 1955 malgré d’importantes souffrances et la constante nécessité d'avoir par exemple recours à des injections de morphine pour disputer les courses, il participa à l’une des épreuves les plus difficiles de l’Histoire de la F1, le Grand Prix d’Argentine 1955, couru sous une chaleur extraordinaire. Alors que Fangio survola seul la course, au prix d'une importante brûlure à la jambe droite, semblant être touché par la grâce au volant de sa Mercedes, la plupart de ses adversaires furent tellement en difficulté qu’ils durent échanger leurs baquets avec d’autres pilotes. Épuisé, Farina s’arrêta ainsi au bout d’une vingtaine de tours pour passer le volant au réserviste Umberto Maglioli dans la Ferrari #10.

Requinqué et rafraîchi, Farina fut renvoyé en piste au volant de la #12 que José Froilán González venait de laisser, à son tour victime de la chaleur. Une quinzaine de boucles plus tard, Maurice Trintignant, qui venait juste d’abandonner, allait relayer Farina. Ce dernier allait quant à lui de nouveau devoir soulager González, qui avait légèrement abîmé la Ferrari en tentant de revenir sur Fangio en tête. Dans ce ballet déjà comique, le meilleur est gardé pour la fin : Farina rallia l’arrivée en seconde position, alors que la voiture dans laquelle il avait pris le départ arriva troisième grâce à Trintignant. L’Italien et le Français, qui partagèrent ces deux F1, furent d’ailleurs classés simultanément deuxième et troisième, empochant ainsi un tiers des points alloués à ces positions.

Giuseppe Farina au volant de la Ferrari 555 lors du GP de Belgique 1955

Giuseppe Farina au volant de la Ferrari 555 lors du GP de Belgique 1955

Une des dernières courses en Formule 1 de Farina, le GP de Belgique 1955, symbolisa bien son esprit en piste. Alors que Fangio et Moss s’étaient échappés en tête, il lutta âprement contre Eugenio Castellotti pour la dernière marche du podium. Le jeune pilote était moitié moins âgé que Farina et vu comme la star en devenir du sport automobile italien. Farina employa tout l'éventail de ses techniques pour le contenir, y compris celle consistant à serrer le plus près possible du mur des stands la Lancia de son adversaire dans la descente vers l'Eau Rouge, à une époque où il n’y avait pas de muret séparant la piste des stands et où les mécaniciens devaient être prêts à s'écarter du passage. Le duel s’acheva par une casse mécanique pour Castellotti. La troisième place de Farina ne lui apporta aucune joie quand il comprit qu’il avait terminé à plus d'une minute et demie des Mercedes. Également lassé par la douleur et attristé par le décès de son ami Ascari une dizaine de jours plus tôt, il indiqua à Enzo Ferrari, qui le tenait en très haute estime, qu’il n’avait plus envie de continuer.

Cette retraite ne tint pas très longtemps. Il tenta un bref retour dès le GP d’Italie. Entre-temps, Lancia avait quitté le sport suite à la mort d'Ascari et cédé ses D50 à Ferrari. Au volant de l'une d'entre elles, Farina subit une défaillance pneumatique lors des essais qui lui fit perdre le contrôle à haute vitesse, heureusement sans le blesser. Les craintes autour des pneus Englebert et leur inadéquation à l'ovale de vitesse amenèrent Ferrari à retirer ses voitures. C'est ainsi que le tout premier Champion du monde de F1 fut privé de son ultime départ en Grand Prix. Il tenta ensuite, sans succès, de se qualifier pour les 500 Miles d’Indianapolis 1956 et 1957, mais la mort d'un pilote essayeur au volant de la monoplace qu'il devait utiliser lors de cette dernière édition l'incita à véritablement et définitivement tourner la page.

Un homme "étrange" et "un fou"

Alberto Ascari, Juan Manuel Fangio, Giuseppe Farina et Luigi Villoresi

Alberto Ascari, Juan Manuel Fangio, Giuseppe Farina et Luigi Villoresi

Interrogé par Autosport, Fangio expliqua au sujet de Farina : "C’était un homme étrange. Quand un pilote était blessé, il n’allait jamais lui rendre visite à l’hôpital. Et une fois, quand j’ai fait ça pour lui, il m’a demandé pourquoi. ‘Parce que j’ai de la peine pour toi’, lui ai-je répondu, ‘et que je voulais te souhaiter un bon rétablissement’. ‘Tu devrais être content’, m’a-t-il dit, ‘un de moins à battre le week-end prochain...’."

Des mots qui feraient presque oublier la visite rendue par Farina à Fangio lui-même après son très grave accident lors d'une épreuve hors-championnat à Monza en 1952, au cours de laquelle l'Italien, vainqueur de la course, lui offrit sa couronne de lauriers. Pourtant issu d'un milieu social modeste, l'Argentin avait gagné le respect de son aîné.

"Farina n’était pas dans la catégorie d’Ascari ou de Moss, mais il était clairement un grand pilote", poursuivit Fangio. "Très rapide sur la piste, même si je n’aimais pas trop m’en approcher. Mais sur la route, un fou ! Complètement loco ! Je détestais conduire avec lui dans le trafic..."

Farina adoptait en effet également dans la vie de tous les jours une conduite sportive, jamais en doute sur ses propres capacités. Fangio, toujours lui, dit un jour : "À cause de sa manière folle de piloter, seule la Vierge Marie était capable de le maintenir sur la piste, et nous nous disions tous qu'un jour elle en aurait assez de l'aider."

Alors qu'il profitait de sa retraite pour devenir un concessionnaire Alfa Romeo et Jaguar à succès, il resta proche du monde de la Formule 1. Le 30 juin 1966, il devait se rendre au Grand Prix de France de Reims, notamment pour tourner quelques scènes pour le film "Grand Prix" auquel il collaborait. Sur une route de montagne verglacée près de Chambéry, il commit la sortie de trop. S'encastrant dans un poteau télégraphique, il fut tué sur le coup à l'âge de 59 ans. Lui qui s'était tiré de tant de crashs dans les bolides d'avant et d'après-guerre, ce fut dans une Lotus Cortina de route qu'il trouva la mort.

La compassion n'était pas une qualité spécialement exacerbée chez Enzo Ferrari. Pourtant, inquiet à propos de l'avenir de Farina, Il Commendatore déclara un jour : "Un homme d'acier, à l'intérieur comme à l'extérieur. Mais je n'ai jamais pu m'empêcher de ressentir de la crainte à son égard. Il était comme un pur-sang nerveux, capable de commettre les folies les plus ahurissantes. En conséquence, il était un habitué des chambres d'hôpital."

Giuseppe Farina en tant que conseiller technique pour le film Grand Prix, lors du GP de Monaco 1966

Giuseppe Farina en tant que conseiller technique pour le film Grand Prix, lors du GP de Monaco 1966

Retour sur l'Alfa Romeo 158 qui permit à Farina de remporter son titre en 1950 :

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