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Analyse

Pourquoi la FIA a pu conclure un accord secret avec Ferrari

Alors que le monde de la Formule 1 a été stupéfait par l'annonce de l'accord entre Ferrari et la FIA, de telles possibilités existent pourtant depuis longtemps dans les statuts et documents juridiques de la fédération.

Laurent Mekies, directeur sportif de Ferrari, sur le muret des stands

Photo de: Mark Sutton / Motorsport Images

L'annonce faite vendredi dernier, à quelques minutes de la fin des essais hivernaux de Barcelone, selon laquelle la FIA avait conclu un accord avec Ferrari suite à une enquête sur son unité de puissance 2019 a pris par surprise les équipes, les médias et les fans. L'utilisation du mot "accord" semblait sous-entendre que les deux parties impliquées avaient transigé pour que la Scuderia échappe à des sanctions.

De plus, le concept d'enquête lancée par la FIA en coulisses laissait également perplexe. On s'attend souvent à ce que ce genre de choses, en F1, soit réglé de façon publique, avec l'intervention d'instances auxquelles les médias peuvent avoir accès, souvent au terme d'un processus débuté avec une décision des commissaires d'un GP par exemple.

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Sept équipes, non affiliées à Ferrari (sans Alfa Romeo et Haas donc), ont fait part de leur surprise et de leur choc, de leur frustration, par le biais d'un communiqué conjoint publié ce mercredi matin. "Un régulateur sportif international a la responsabilité d'agir avec la plus grande exigence de gouvernance, d'intégrité et de transparence", peut-on y lire. "Après des mois d'une enquête qui n'a été entreprise par la FIA que suite à des questions soulevées par d'autres équipes, nous protestons vigoureusement contre l'accord confidentiel trouvé par la FIA avec Ferrari pour conclure cette affaire."

"Par conséquent, nous déclarons par la présente notre engagement partagé dans la quête d'une transparence complète et véritable dans cette affaire, afin d'assurer que notre sport traite tous les concurrents équitablement, dans les règles. Nous le faisons au nom des fans, des participants et des acteurs de la Formule 1."

Alors, pourquoi tant de secret dans cette procédure ? Elle est, il est vrai, inhabituelle, mais est bien inscrite dans le Règlement Disciplinaire et Juridictionnel de la FIA. Il explique en détail comment une enquête peut être menée en coulisses dans un premier temps avant que la fédération puisse décider soit l'abandon de l'affaire, soit d'aller plus loin en la portant devant le Tribunal International dans un cadre plus formel.

Le passage par le Tribunal International (TI) avait par exemple été de mise en juin 2013 quand Mercedes et Pirelli ont fait l'objet d'une enquête sur des tests pneumatiques secrets menés à Barcelone, suite à des réclamations déposées par Ferrari et Red Bull au cours du GP de Monaco. Mercedes et Pirelli avaient alors été réprimandés officiellement, et l'écurie avait été bannie des tests de jeunes pilotes à Silverstone.

Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 W04

Dans l'affaire du moteur Ferrari 2019, la FIA a choisi de ne pas passer par le TI, pour des raisons inconnues. La confidentialité est un élément essentiel de ce processus.

La procédure de la FIA, qui se base sur le TI, remonte au Conseil Mondial du Sport Automobile de Bahreïn, en mars 2010. Jean Todt, alors fraîchement élu à la tête de l'instance, soutenait un nouveau système disciplinaire garantissant "la séparation entre l'organe de poursuite et l'organe de jugement".

Après un système de transition, qui servit pour la fameuse affaire des consignes de Ferrari lors du GP d'Allemagne 2010 ("Felipe, Fernando est plus rapide que toi"), une organisation permanente fut implantée, avec la création d'une nouvelle instance, le Tribunal International. C'est en ce lieu que les affaires allaient être entendues, et non plus devant le Conseil Mondial du Sport Automobile. Cela fut entériné par la version de novembre 2010 du Règlement Disciplinaire et Juridictionnel.

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Ainsi, un Chapitre 2 intitulé "Les enquêtes et poursuites disciplinaires" décrit comment une investigation doit être menée. "L’autorité de poursuite est exercée par le président de la FIA", peut-on y lire dans un premier temps. "Il représente la FIA devant les juridictions de la FIA." Tout cela, évidemment, en dehors de possibles conflit d'intérêts.

Puis il est indiqué : "L'autorité de poursuite peut, soit de sa propre initiative, soit à la demande de toute personne intéressée, faire procéder à une enquête sur tout fait ou comportement d’une personne relevant de la juridiction de la FIA et suspectée d’avoir commis une des infractions visées à l’article 5.2." En l'occurrence, l'article listant une série d'infractions potentielles, Ferrari a sans doute été suspecté tout simplement d'avoir "contrevenu aux Statuts, aux Règlements de la FIA".

Podium: first place Fernando Alonso, Ferrari, second place Felipe Massa

Même si l'enquête peut se tenir en privé, les détails des audiences sur le sujet peuvent être consignés. "Toute audition peut faire l'objet d'un enregistrement audio ou vidéo ou d'un procès‐verbal daté et signé par la personne entendue et l’autorité de poursuite. Si une personne refuse d'être entendue, l’autorité de poursuite établit un procès‐verbal de carence."

À la conclusion de l'enquête, la FIA se donne deux solutions principales : soit l'affaire est portée devant le Tribunal International, soit elle est close. Cependant il existe un troisième scénario possible, et c'est celui qui a été retenu dans ce cas précis : "L'autorité de poursuite peut aussi conclure une transaction pour mettre un terme à la procédure."

Suit ensuite, dans ce règlement, une longue partie consacrée à l'immunité de ceux qui sont impliqués dans l'investigation. Or, nous ne savons pas si cela a été appliqué dans l'affaire du moteur Ferrari, mais il convient d'insister sur une section qui dispose que : "L'immunité accordée par l’autorité de poursuite, qu'elle soit partielle ou totale, est soumise aux conditions cumulatives suivantes :

a) apporter à la FIA une coopération en toute bonne foi, ce qui implique de dire toute la vérité et de s'abstenir de détruire, falsifier, ou dissimuler des informations ou preuves utiles,

b) apporter à la FIA une coopération véritable, totale et permanente tout au long de l'enquête,
ce qui implique notamment de :

  • fournir et réitérer son témoignage selon toutes les demandes et les formes requises par la FIA,
  • se tenir à la disposition de la FIA pour répondre rapidement à toute demande de sa part."

L'immunité accordée peut donc être révoquée s'il s'avère que la vérité a été dissimulée.

Jean Todt, President, FIA

Les termes du communiqué de la semaine dernière ne sont pas sans rappeler de façon nette les conditions évoquées dans cette partie sur l'immunité, avec la coopération qui semble claire de la part de Ferrari, à la fois à l'enquête et pour l'avenir (aussi bien réglementaire que technologique et écologique). 

Mais la partie cruciale de la réglementation réside dans le dernier paragraphe de cette section, qui explique pourquoi les détails de l'accord révélé "resteront confidentiels". Il s'agit évidemment du nœud du problème, qui interdirait a priori aux écuries rivales de connaître les conclusions de l'enquête et la nature de l'accord entre la FIA et Ferrari. 

Le règlement dispose que : "L'autorité de poursuite et toutes les personnes participant à l'enquête sont tenues à une obligation de confidentialité vis‐à‐vis des personnes physiques ou morales non concernées par l'enquête. En tout état de cause, l’autorité de poursuite peut à tout moment communiquer publiquement quant à sa décision de faire procéder à une enquête et quant au résultat de l’enquête."

La première phrase pose d'emblée une question épineuse : dans la mesure où il s'agit d'un problème qui a été publiquement soulevé par les concurrents de Ferrari et dans la mesure où ils ont couru contre et (parfois) été battus par une voiture équipée d'un moteur potentiellement non conforme, les sept écuries qui ont publié le communiqué de protestation entrent-elles dans la catégorie des "personnes physiques ou morales non concernées par l'enquête" ?

La deuxième phrase, elle, sous-entend que la FIA n'était en fait même pas obligée de révéler au monde l'existence de l'enquête, de sa conclusion et de la transaction. Mais cela implique aussi que la FIA aurait pu annoncer de manière formelle qu'une enquête avait été lancée, ce qu'elle a choisi de ne pas faire. La fédération a donc dans son arsenal de quoi justifier son choix de ne pas donner de détails.

Il faut toutefois noter que, récemment, des enquêtes n'ont pas été jusqu'au Tribunal International et, pourtant, la FIA avait fourni une explication un peu plus détaillée. Ainsi, en 2016, quand Sebastian Vettel avait insulté Charlie Whiting à la radio lors du GP du Mexique, un communiqué avait été publié dans lequel l'instance avait expliqué que Vettel s'était excusé et avait promis de ne pas recommencer. 

Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 W08, Sebastian Vettel, Ferrari SF70H

Moins d'un an plus tard, l'Allemand avait fait l'objet d'une nouvelle enquête après son coup de roue volontaire sur Lewis Hamilton lors du GP d'Azerbaïdjan 2017. Dans un long communiqué, la FIA avait indiqué que, là encore, le quadruple Champion du monde avait présenté ses excuses, reconnu sa faute et accepté des travaux d'intérêt général. Dans ces deux cas, la FIA avait donné une explication assez détaillée de ce qui avait été discuté et de ce qui l'avait incitée à ne pas aller plus loin.

Bien entendu, la différence majeure est la présence du terme "accord" (ou "settlement" en anglais, traduit officiellement par "transaction" dans le règlement en version française) dans le communiqué sur le moteur Ferrari 2019. Un tel terme peut avoir des ramifications légales et ne signifie pas forcément que Ferrari ait admis la moindre culpabilité, ce qui était clairement le cas de Vettel. Il faut également noter que les articles réglementaires qui font référence à la confidentialité n'expliquent pas qu'il faut qu'elle soit liée à une transaction, et donc n'expliquent pas pourquoi aucun détail n'a été dévoilé.

Quelles armes juridiques auront les sept équipes en colère pour la suite ? Et comment la FIA va-t-elle répondre à leur colère ? L'histoire est loin d'être terminée.

Avec Adam Cooper 

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