Renault tutoie la limite avec son aileron arrière soufflé
Dans le but de mieux faire fonctionner l’aileron arrière de sa R.S.18, Renault admet flirter avec les limites du règlement technique.
Photo de: Giorgio Piola
Dès son apparition publique, la R.S.18 a étonné avec sa tubulure d’échappement inclinée vers le haut, dans le but évident de souffler les gaz d’échappement vers l’aileron arrière.
Puisque les "monkey seats" sont désormais interdits, les ingénieurs de Renault ont compris qu’incliner la tubulure à cinq degrés vers le haut, comme il est permis de le faire, procure des avantages. Les deux conduits provenant de la soupape de décharge ont aussi été déplacés, et sont maintenant réunis sous la tubulure principale.
La surface inférieure du plan principal a dû être recouverte d’une pellicule protectrice faite de carbone/céramique afin de protéger l’aileron des gaz dont la température atteint 400°C.
L’équipe a apposé des rubans thermiques à cet endroit stratégique afin de s’assurer que l’aileron soit bien protégé de la chaleur intense. Bob Bell, le directeur technique de Renault, a confirmé que la tubulure avait été inclinée vers le haut afin de profiter des effets du jet d’échappement et améliorer l’appui à l’arrière de la monoplace.
"Souffler de l’air chaud autour de l’aileron arrière procure des gains. Ce n’est pas un secret", affirme Bell. "Nous avons choisi d’exploiter ce règlement à fond, tandis que les autres constructeurs sont arrivés avec d’autres solutions. Cela procure un petit gain, mais pas du tout comparable à celui qu'on obtenait avec les anciens diffuseurs soufflés."
Bell laisse aussi comprendre que des efforts ont été investis dans l’optimisation du flux des gaz afin qu’ils soient à peu près constants et non pas soumis aux variations de pression sur l’accélérateur.
"Nous sommes une équipe d’usine, et Viry-Châtillon et Enstone travaillent ensemble. Le moteur et le châssis sont intimement liés. Nous travaillons de concert afin d’exploiter au maximum tout ce que permet le règlement technique", ajoute-t-il.
Si les écuries clientes McLaren et Red Bull Racing n’ont pas encore incliné leurs échappements comme l’a fait Renault, Bell précise qu’il ne faudra pas être étonnés de les voir faire de même d’ici peu. "Ce n’est pas difficile à faire. Il n’y a qu’à changer quelques chiffres dans le logiciel de conception et le tour est joué."
L’opinion de Gary Anderson (expert technique)
Les accessoires aérodynamiques influencés par les gaz d’échappement n’ont rien de nouveau. Chaque fois que vous disposez d’un flux d’air à haute vélocité, vous pouvez l’utiliser pour obtenir des gains. Il y a de cela plusieurs années, l’échappement soufflait directement à l’intérieur du diffuseur, mais cela est désormais interdit.
Puis les ingénieurs ont exploité ce qu’on appelle l’effet Coanda. La sortie des gaz était située au ras de la carrosserie du ponton. Les gaz suivaient la forme du ponton et parvenaient ainsi jusqu’au diffuseur. Dans le but d’interdire cette pratique, le règlement technique des moteurs turbo hybrides oblige la tubulure d’échappement à être située un peu au milieu de nulle part, afin d’en restreindre les effets. Seul une petite ailette était permise, le fameux "monkey seat", fixé au-dessus de la sortie des gaz et qui permettait un meilleur rendement de l’aileron arrière. La présence de ce petit appendice aérodynamique a été interdite cette saison.
Renault a donc décidé d’incliner la tubulure d’échappement à cinq degrés vers le haut ; l’angle maximal autorisé par le règlement. Le jet brûlant, de haute vélocité, permet une meilleure performance de l’aileron arrière, pas de façon dramatique, mais tout gain est apprécié.
Le souci est que ces gaz brûlants affectent les surfaces de l’aileron, mais les nouvelles technologies du carbone et des résines règlent ce problème. Il faudra toutefois surveiller ce qui survient quand, à l’amorce du freinage, le pilote coupe les gaz en même temps que le DRS se referme. La combinaison des deux facteurs peut causer des problèmes de rattachement des flux d’air et une certaine instabilité. J’ai toutefois observé la Renault en piste, et elle ne semble pas être affectée par ce phénomène. Les choses seront peut-être un peu différentes quand la température de l’air sera plus élevée.
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