Rétro 1972 - La curieuse Eifelland de F1
Les années 70 ont été incontestablement riches en designs fous de Formule 1. L’Eifelland en est un très bel exemple.
Photo de: LAT Images
À cette époque, la réglementation technique était très permissive et aucune voiture de Formule 1 se ressemblaient. Plusieurs petites écuries achetaient des châssis de constructeurs, y greffaient un Ford Cosworth et les habillaient avec leurs propres carrosseries aux formes parfois bizarroïdes.
Au début des années 70, un homme d’affaires allemand, Günther Hennerici, possède une entreprise de fabrication de caravanes à Mayen, près du circuit du Nürburgring dans l’Eifel. Il nomme ainsi ses caravanes ‘Eifelland’. Son affaire marche plutôt bien. Il sponsorise quelques pilotes afin que les écuries lui achètent des caravanes et des remorques de transport. Puis, il décide de financer la carrière d’un de ses compatriotes, Rolf Stommelen.
Un rêve allemand
Grâce au soutien financier des caravanes Eifelland, Stommelen court en Formule 1 en 1971 pour l'Auto Motor und Sport Team Surtees. Toutefois, la Surtees TS9 n’est pas un succès, ce qui incite Hennerici à se dire : "Pourquoi engloutir mon argent dans une équipe que je ne contrôle pas ? Autant avoir ma propre écurie, et ma propre voiture !" Et c’est ce qu’il fit. Hennerici caressait ce rêve de faire courir la première monoplace de F1 allemande depuis la Porsche 804 qui avait remporté le Grand Prix de France en 1962.
Hennerici achète donc une March 721 (première erreur), puis il se laisse convaincre par Luigi Colani de refaire toute la carrosserie du bolide (deuxième erreur). Niki Lauda et Ronnie Peterson avaient pourtant qualifié la March 721, cette monoplace avec l’aileron avant en forme de pelle à tarte, de "pire F1 qu’ils avaient pilotée". L’excentrique Colani, qui avait suivi des études en aérodynamique, se considérait comme un génie méconnu. Vaniteux, il argumentait que les autres designers de F1 étaient des incapables.
Une carrosserie (trop) enveloppante
Avec l’aide de quelques assistants, Colani conçoit, dessine et fabrique la nouvelle robe de l’Eifelland 21-Ford de 1972 en une centaine d’heures seulement ! Et sans l’évaluer en soufflerie ! Cette carrosserie futuriste est extrêmement lisse, mais surtout très enveloppante. Elle se prolonge à l’arrière puis remonte pour former l’aileron. Une étrange prise d’air est greffée à l’avant du cockpit aux flancs très hauts, et Colani élimine les deux rétroviseurs latéraux en faveur d’un seul, haut perché comme un périscope !
Dès ses premiers tours de roue sur le circuit de Hockenheim en hiver, la voiture surchauffe terriblement en dépit de la température glaciale. La carrosserie révolutionnaire ne laisse pas circuler l’air. Les mécanos n’ont d’autre choix que de remplacer progressivement les pièces créées par Colani par celles de la March originale. Au premier Grand Prix de la saison en Afrique du Sud, la carrosserie de Colani a disparue. L’Eifelland 21 est bel et bien une March 721, sauf pour son insolite prise d’air à l’avant et son rétroviseur haut perché.
Simultanément, Hennerici fait face à des problèmes financiers, et trois de ses usines sont détruites dans des incendies. L’argent fait défaut, mais la petite équipe de F1, dirigée par un certain Heinz Koblitschek, s’en sort assez bien. En Afrique du Sud, Stommelen termine 13e. Il décroche une belle dixième place dans les rues de Monaco et se classe 11e en Belgique. L'Allemand, myope et qui doit porter des lunettes de vue, signe une autre dixième place en Grande-Bretagne.
La voiture en cadeau
Durant l’été, Hennerici, au bord du gouffre financier, vend ce qui reste de son entreprise de caravanes à la fabrique de portes et fenêtres Meeth. Le logo de Meeth apparaît sur la voiture qui appartient désormais à Stommelen. En effet, Hennerici, incapable de verser le salaire à son pilote, l’a dédommagé en lui faisant don de la voiture de F1 !
Stommelen se retrouve alors à la fois pilote et team manager. Il trouve un peu d’argent et dispute les Grands Prix d’Allemagne et d’Autriche. Il se qualifie 14e devant ses fans sur le Nürburgring, mais doit abandonner sur panne électrique. En Autriche, il se classe 15e. Incapable de trouver du financement, Stommelen jette finalement l’éponge. Au final, l’Eifelland 21 aura disputé huit Grands Prix et son meilleur résultat aura été une dixième place, obtenue à deux reprises.
Après des mois d’absence, l’Eifelland est réapparue en piste à l’occasion d’une course hors-championnat : la World Championship Victory Race à Brands Hatch le 22 octobre 1972. La voiture, préparée et inscrite par l’écurie britannique Goldie Hexagon Racing et rebaptisée March 721, fut alors pilotée par un rookie, John Watson, qui termina au sixième rang.
Le seul exemplaire de l’Eifelland, en état de marche, appartient aujourd’hui à Liaz Jakhara dont l’entreprise, Zul Racing, restaure des voitures d’époque à Derby en Grande-Bretagne.
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