Le 800e GP : Alonso roi de la nuit, le Crashgate éclate au grand jour
À l'occasion du 1000e GP du Championnat du monde de F1, Motorsport.com vous fait revivre les épreuves aux nombres symboliques de l'Histoire de la discipline. Voici le récit du 800e Grand Prix, celui de Singapour 2008.

Si certains ont manifesté une petite déception quant au fait que le 1000e Grand Prix de l'Histoire soit disputé sur un circuit sans véritable héritage historique, celui de Shanghai, la 800e course pouvait difficilement être plus exceptionnelle. Ne serait-ce que parce que le Grand Prix de Singapour 2008 était la première course nocturne de l'Histoire de la Formule 1.
Le paddock se remet alors de l'exceptionnelle victoire de Sebastian Vettel (Toro Rosso) lors de la course précédente à Monza, l'Allemand étant devenu le plus jeune vainqueur de l'Histoire de la F1 à 21 ans seulement.
La course au titre est plus serrée que jamais, puisque Lewis Hamilton (McLaren) compte 78 points face aux 77 unités de son rival Felipe Massa (Ferrari). Avec 40 points à prendre lors des quatre dernières courses, Robert Kubica (BMW Sauber), Kimi Räikkönen (Ferrari), Nick Heidfeld (BMW Sauber) et Heikki Kovalainen (McLaren) restent mathématiquement en lice pour le titre, crédités de 64 à 51 unités, mais ne sont que d'improbables outsiders.
De son côté, double Championne du monde en 2005 et 2006, l'écurie Renault reste sur une campagne décevante et n'est pas parvenue à redresser la barre cette année malgré un tout nouveau duo de pilotes, Fernando Alonso ayant fait son retour à Enstone suite à l'implosion de l'écurie McLaren en 2007 ; l'Espagnol est associé au débutant Nelson Piquet Jr. Ce dernier est en grande difficulté et a déjà encaissé un 14-0 en qualifications, ne s'illustrant que par un podium au Grand Prix d'Allemagne grâce à un pur concours de circonstances. Alonso, en revanche, enchaîne les bons résultats avec déjà quatre arrivées au pied du podium.

Or, si Lewis Hamilton est le plus rapide des Essais Libres 1 sur les 5,067 kilomètres de l'atypique Circuit de Marina Bay, c'est bien Fernando Alonso qui prend les devants lors des deux séances suivantes, devançant même la concurrence de six dixièmes en EL3. La Renault R28 semble donc avoir un certain potentiel sur ce tracé très lent, mais l'ibère est victime d'un problème d'alimentation en essence dès la Q2. Il est ainsi relégué au 15e rang de la grille de départ, alors que Felipe Massa signe la pole devant Lewis Hamilton, Kimi Räikkönen et Robert Kubica.
Ces quatre hommes conservent la tête lors des premiers tours de course, tandis que Fernando Alonso se hisse au 11e rang. Mais à la surprise générale, le pilote Renault rentre au stand dès le 12e tour, se retrouvant dernier : une stratégie pour le moins étonnante. Cette tactique s'avère toutefois payante quelques instants plus tard… lorsque son coéquipier Nelson Piquet Jr part en tête-à-queue et percute le mur, provoquant l'intervention de la voiture de sécurité !
Or, la réglementation a changé en 2008 : en cas de neutralisation, la voie des stands reste fermée jusqu'à ce que le peloton soit regroupé derrière le Safety Car. Seuls Nico Rosberg (Williams) et Robert Kubica, pour éviter la panne d'essence, commettent une infraction vis-à-vis de cette règle ; les autres concurrents attendent pour effectuer leur premier arrêt – lequel s'avère fatal aux espoirs de Massa, qui arrache le tuyau de ravitaillement en essence de Ferrari. Rosberg en profite pour s'emparer de la tête de la course devant Jarno Trulli (Toyota) et Giancarlo Fisichella (Force India), qui ne sont pas encore rentrés, ainsi que Kubica et Fernando Alonso.

Au fur et à mesure que le top 4 rentre au stand (Rosberg et Kubica pour un stop-and-go, Trulli et Fisichella pour un arrêt classique), Alonso se retrouve en tête de la course au 34e tour ; à ce stade, il compte cinq secondes d'avance sur Rosberg, qui a quand même bénéficié de son ravitaillement sous Safety Car, 12 sur David Coulthard (Red Bull) et 13 sur Lewis Hamilton.
La Renault est compétitive, en témoigne son troisième meilleur tour en course, et Alonso reste en tête jusqu'au drapeau à damier pour s'imposer avec trois secondes d'avance sur Rosberg, six sur Hamilton, huit sur Timo Glock (Toyota) et dix sur Sebastian Vettel, malgré une nouvelle intervention de la voiture de sécurité qui a relancé la course à dix tours du but. Hamilton fait la bonne opération du jour, engrangeant six points précieux dans la lutte pour le titre face à Massa.
Le scandale du Crashgate
L'histoire ne s'arrête toutefois pas là. Limogé par Renault à la trêve estivale en 2009, Nelson Piquet Jr règle ses comptes et révèle à la Fédération Internationale de l'Automobile que Flavio Briatore (directeur général) et Pat Symonds (directeur de l'ingénierie) lui avaient demandé de s'accidenter pour provoquer l'entrée en piste du Safety Car – celle-là même qui a permis à Fernando Alonso de remporter la victoire.

Forcément, le tollé est immense. De son côté, Alonso nie son implication, mais Piquet est dubitatif : "Si l'on est 15e sur la grille sur un circuit urbain, c'est inutile de prendre le départ avec peu de carburant. Au mieux, on double trois voitures, et après s'être arrêté, on reste où on est. Cette stratégie n'a aucun sens."
"Tout ce que je dis, c'est qu'un pilote intelligent comme Alonso poserait des questions si son équipe lui disait de rentrer au stand après 12 tours en partant 15e. En tant que pilote, j'aurais suspecté quelque chose ; je ne peux donc que difficilement imaginer que Fernando n'en savait rien."
Renault F1 Team décide alors (finalement et logiquement sans succès) d'attaquer Piquet Jr en justice pour diffamation, accusant le clan du Brésilien de chantage. Or, des extraits de communications radio publiés par The Times montrent notamment la surprise d'un ingénieur quant à la stratégie adoptée pour Alonso, Symonds se voulant alors rassurant.
Le Losange admet finalement sa responsabilité le 16 septembre, deux semaines et demie après que le scandale a éclaté. Flavio Briatore et Pat Symonds quittent l'écurie, qui perd également son sponsor titre ING et un autre partenaire, Mutua Madrileña. Renault F1 reçoit par ailleurs une suspension de deux ans avec sursis.
Fernando Alonso, en revanche, est innocenté suite à l'enquête menée par la FIA. Également vainqueur de la 801e course de l'Histoire de la Formule 1 à Fuji en 2008 (cette fois à la régulière), le double Champion du monde signe au Grand Prix de Singapour 2009 le dernier podium à ce jour d'une écurie détenue par le Losange. Ironie du sort, c'est là que Romain Grosjean part en tête-à-queue en essais libres et percute le mur... au même virage que son prédécesseur Piquet Jr l'année précédente.
Grand Prix de Singapour 2008
Pilote | Voiture/Moteur | Tours | Écart/Cause | |
---|---|---|---|---|
1 | Renault | 61 | 1:57'16.304 | |
2 | Williams/Toyota | 61 | 2.957 | |
3 | McLaren/Mercedes | 61 | 5.917 | |
4 | Toyota | 61 | 8.155 | |
5 | Toro Rosso/Ferrari | 61 | 10.268 | |
6 | BMW Sauber | 61 | 11.101 | |
7 | Red Bull/Renault | 61 | 16.387 | |
8 | Williams/Toyota | 61 | 18.489 | |
9 | Honda | 61 | 19.885 | |
10 | McLaren/Mercedes | 61 | 26.902 | |
11 | BMW Sauber | 61 | 27.975 | |
12 | Toro Rosso/Ferrari | 61 | 29.432 | |
13 | Ferrari | 61 | 35.170 | |
14 | Force India/Ferrari | 61 | 43.571 | |
15 | Ferrari | 57 | Accident | |
Ab | Toyota | 50 | Hydraulique | |
Ab | Force India/Ferrari | 49 | Accident | |
Ab | Red Bull/Renault | 29 | Boîte de vitesses | |
Ab | Honda | 14 | Électrique | |
Ab | Renault | 13 | Accident |
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