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Interview

Jean-Éric Vergne : "Je n'ai jamais aimé me vendre"

En marge des essais de pré-saison de Formule E à Valence (Espagne), Jean-Éric Vergne a répondu aux questions des lecteurs de Motorsport.com. Préparation physique et mentale, nouvelle Gen3, opportunités en F1 : de nombreux sujets ont été abordés !

Jean-Eric Vergne, DS Penske

Jean-Eric Vergne, DS Penske

Andreas Beil

Mglt - Votre mental a énormément évolué en dix ans, et cela a servi votre talent pour briller en piste. Quelle est votre préparation physique et mentale, et comment varie-t-elle entre la Formule E et d'autres disciplines telles que l'Endurance ?

Très bonne question. On a rarement des questions aussi bien que ça, d'ailleurs. Ma préparation a beaucoup évolué, surtout par les difficultés que j'ai rencontrées tout au long de ma carrière et la capacité que j'ai à apprendre de mes erreurs : les comprendre, essayer de les modifier. Après, côté préparation physique, j'ai fait énormément de sport en F1. Et quand je suis parti de la F1, j'ai tout arrêté, en fait. J'en avais trop fait, je n'en pouvais plus. J'avais un coach qui vivait avec moi 24h/24, 7j/7. Faire du sport tous les jours, aller courir tous les matins, en fait je n'en pouvais plus. Quand je suis parti de la F1, j'ai roulé dans des voitures qui étaient évidemment moins physiques, donc je n'avais absolument aucun besoin de faire du sport, et j'ai tout arrêté.

Après, les choses changent. On vieillit, on ne récupère pas pareil. Du coup, je me suis remis au sport. Je ne suis pas vieux, mais tu réalises à un certain moment dans ta vie que le sport que tu fais, ce n'est pas uniquement pour être bon dans la voiture. La phrase un peu bateau "un esprit sain dans un corps sain", elle est tellement vraie, en fait. Pendant l'intersaison que j'ai eue d'août à maintenant, où il n'y a pas de courses – j'en ai eu deux en WEC, donc pratiquement pas de courses – tu te fixes des objectifs, tu travailles dur pour y arriver, tu prépares ton mental, déjà. Parfois, dès le matin, tu n'as pas envie de te réveiller, il fait froid, tu as envie de rester au lit, tu es fatigué de la veille… Tu y vas, quoi. Un soir tu vas te coucher un peu tard, le lendemain matin tu dois y aller aussi ; j'ai envie d'appeler mon coach, de lui dire "je ne viens pas, on reporte." Se faire mal comme ça, mentalement, physiquement, c'est une préparation pour les moments durs à venir – soit de la vie, soit de la saison qui va arriver.

Après, cette période-là, c'était beaucoup de renforcement musculaire, d'une parce que ces voitures-là [les Gen3, ndlr] sont quand même vachement dures à piloter, le volant est vraiment dur à tourner, c'est vrai. Et quand on parle avec les autres pilotes, je suis content de ne pas être le seul à penser ça. Tout le monde le pense. Tout le monde le ressent. Après, une fois que j'arrive sur la base où je voulais être, c'est quelque chose qui ne va faire que décroître tout au long de l'année, parce que tu ne peux pas faire autant de sport que pendant l'intersaison. Là, je switche un peu et je passe uniquement sur du cardio.

La préparation mentale : j'ai décidé de faire beaucoup plus de ce côté-là et de travailler avec une psychologue du sport. J'ai commencé à travailler avec cette personne dès septembre, parce que je pense que l'an dernier, même si on a beaucoup de raisons pour lesquelles on n'a pas gagné, il ne faut pas se trouver d'excuse : il faut savoir dire où on a été bon et où on a été mauvais. À un certain moment, je n'ai pas été présent comme j'aurais dû l'être. Il y a des raisons externes, mais je veux juste me mettre dans un mode où il n'y a aucune excuse qui peut compter, il n'y a que des bons résultats – et s'il n'y a pas de bons résultats, ce ne sera pas de ma faute, ce sont des éléments externes hors de mon contrôle. Voilà, je travaille beaucoup en ce moment avec cette personne, juste pour devenir meilleur. Parce que ce que j'ai pu apprendre du passé n'est peut-être pas suffisant, je n'ai peut-être pas suffisamment d'outils pour être encore meilleur que je ne l'étais dans le passé.

Jean-Eric-Vergne, DS Penske, monte dans sa voiture

Jean-Éric Vergne (DS Penske)

Vous évoquez l'impact du fait de vieillir. Que pensez-vous d'un Fernando Alonso qui est encore en Formule 1 alors qu'il a dix ans de plus ?

C'est extraordinaire d'avoir cette motivation. Après, on vieillit, ça ne veut pas dire que c'est plus difficile à conduire dans la voiture, pas du tout. Ce que je veux dire par là, c'est que dix ans avant, quand j'avais 21 ou 22 ans, quand je sortais, que je me mettais une mine (sic) et que j'allais me coucher à cinq heures du matin en rentrant de fête, le lendemain je me réveillais à neuf heures et j'allais courir. Là, je fais ça, je suis en PLS toute la journée ! (rires) Ta vie change un peu, tu ne fais plus les mêmes choses que dans le passé. Ton corps ne l'accepte plus, tout simplement, et il faut juste l'accepter.

Dans la voiture, en revanche, physiquement, il n'y a aucun problème. Alonso, physiquement, je ne trouve absolument pas ça extraordinaire ce qu'il fait. Quand tu roules tous les week-ends… Il y a presque des courses tous les week-ends. Au bout d'un moment, ça devient un vélo à conduire, les F1... même si moi, demain si je devais rouler dans la F1, je ferais une journée et je serais mort ! Mais plus tu roules, plus tes muscles s'habituent, ça devient vraiment facile. Je me rappelle dans les tests hivernaux à Jerez, quand je roulais en F1, j'avais beau me préparer à fond toute l'intersaison, à la première journée à Jerez, j'étais rincé. Puis après, dans l'année, tu enchaînes les courses et tout va bien.

Mentalement, le mec, c'est costaud. Franchement, voir son niveau d'implication, son niveau de motivation, sa hargne, son intelligence de course... C'est franchement impressionnant, parce qu'aujourd'hui, tu le mets dans une bonne voiture, il joue la gagne, c'est sûr et certain. Je trouve ça vraiment dingue : il a quel âge ? 41 ans ? Je trouve ça dingue qu'après tant d'années le mec ait autant de motivation. Je pense que ça peut être un exemple pour beaucoup de pilotes, même des pilotes en F1, qui à 34 ans déjà se posent la question, décident d'arrêter parce qu'ils ont gagné trop d'argent. Ils ont fait ce qu'ils voulaient faire, ils sont contents, ils sont connus maintenant, ils ont des millions de followers sur Instagram, ils ont assez d'argent sur les comptes en banque, et puis ils perdent toute leur motivation. [Alonso], il a tout l'argent du monde, il est super célèbre, et il est toujours là avec la motivation d'un mec de 17 ans. C'est impressionnant.

Pops - Avez-vous eu une opportunité de revenir en Formule 1 avec une écurie compétitive ? Si oui, pourquoi cela ne s'est-il finalement pas fait ?

Non.

JulienGdn - Quels atouts mettriez-vous en avant pour convaincre une écurie de vous recruter ?

Déjà les résultats qui en général, pour tout pilote, parlent d'eux-mêmes. Je n'ai jamais vraiment aimé me vendre avec les équipes. Il y a beaucoup de pilotes – je ne donnerai pas de noms – avec qui j'ai été coéquipier dans des grandes catégories, qui sont zélés. Je n'y arrive absolument pas. Je fais mon travail. Quand je dois rester beaucoup plus tard au simulateur ou sur le circuit, je le fais sans aucun problème. Je fédère au maximum l'équipe. Je suis très bien là où je suis, ça fait longtemps que je n'ai pas eu besoin de me vendre car je suis dans cette équipe [DS en Formule E, ndlr] depuis longtemps, avec les mêmes personnes. Quand on renégocie les contrats, je n'ai besoin de rien dire, parce qu'ils savent ce qu'on doit savoir à mon sujet. Je ne compte aller nulle part ailleurs pour le moment, parce que je pense que c'est la meilleure équipe en Formule E. Je ne suis pas là à contempler : "Je suis beau, je suis fort, je suis ceci, je suis cela, je suis le meilleur". Les résultats parlent pour eux-mêmes, ça ne sert à rien de dire que tu es le meilleur si tu ne gagnes pas. C'est aussi simple que ça.

Jean-Eric Vergne, Toro Rosso STR9 Renault

Vergne ne garde pas un souvenir impérissable de la Toro Rosso STR9...

RuptV12 - Qu'est-ce qui joue le plus pour aimer plus ou moins une voiture pour vous ? Sa vitesse, sonorité, les sensations, son design, son histoire, la facilité de prise en main ?

Vos lecteurs ont de bonnes questions ! Je suis très attaché au design. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de personnes qui disent ça, mais je mettrais le design en premier, parce que je trouve que toutes les plus belles voitures, historiquement, étaient les meilleures voitures. Il n'y a pas une voiture moche qui était une bonne voiture. Ma Toro Rosso avec le nez de singe à l'avant, franchement, c'est affreux ! Je n'ai pas envie d'avoir cette voiture-là sur mon mur ou dans mon garage, j'ai envie d'avoir une voiture avec laquelle j'ai gagné des courses, avec laquelle j'ai eu de bonnes sensations. Une voiture qui fait plaisir à l'œil. Toutes les belles voitures de collection, elles sont belles avant tout.

En deuxième, le ratio grip/puissance est le plus important. Une voiture qui te fait vraiment plaisir. La voiture que j'ai préférée à piloter, c'était la F3, c'était une voiture de dingue. Elle avait plus de grip que de puissance. C'était ma voiture préférée. Je n'ai pas acheté ma F3 dans laquelle j'ai roulé chez Carlin, mais si je pouvais, je l'achèterais, parce que c'est une voiture qui a marqué ma carrière et que j'adore. Une voiture que j'ai adoré piloter, c'est aussi la LMP2 – pas avec la nouvelle réglementation qui a rajouté du poids et enlevé de l'aéro, c'est la LMP2 de 2017, 2018. C'était une voiture incroyable, belle en plus. Évidemment la F1, puis la [Formule E] Gen2, je trouve que c'était une très belle voiture. On a toujours des super courses. Une voiture difficile à conduire, mais vraiment sympa.

Pour revenir au design, le point de vue des gens évolue parfois. Par exemple, la McLaren MP4-23 est très appréciée de nos jours, alors qu'à l'époque, beaucoup voulaient enlever tous ces appendices aérodynamiques…

Moi, je l'ai toujours aimée. Quand je l'ai vu la première fois, j'ai fait : "Wow, elle est dingue cette voiture." Tout le chromé, avec tous les appendices aéro de folie, elle était incroyable. Et en plus, elle gagnait.

Vous n'avez donc pas dû apprécier beaucoup celles de 2009, dans ce cas…

Ah non… La Brawn, ça c'est un exemple de voiture moche qui allait vite. La Brawn n'était pas très belle, mais elle gagnait ! Elle est devenue historique.

Jean-Eric Vergne (Carlin)

... en revanche, sa F3 conserve une place spéciale à ses yeux

Jef Costello et Kidour - Quelles sont les chances de Peugeot aux 24 Heures du Mans ? Les problèmes de fiabilité sont-ils résolus ?

En parlant de voitures belles, je trouve que c'est la plus belle voiture dans laquelle j'aie roulé de ma vie. Elle est dingue. Niveau développement, elle devient vraiment de mieux en mieux. Par rapport à ça, je pense que oui, nous avons des chances. Je pense que Peugeot ne vient pas dans un championnat pour ne pas se donner les chances de gagner au Mans. Moi non plus, je ne serais pas allé dans cette équipe si je ne pensais pas qu'il y aurait toutes les chances de gagner. Maintenant, je ne dis pas que ça va être simple ; ça va être extrêmement difficile, on a encore énormément de travail à faire. Je roule d'ailleurs la semaine prochaine ; la semaine de Noël, pendant trois jours on fait des tests d'endurance. La motivation est vraiment énorme dans cette équipe, c'est un super projet. Je suis vraiment très, très content d'en faire partie.

Je pense qu'on a pas mal de steps encore à gravir pour pouvoir dire qu'on va se battre pour la victoire au Mans. Aujourd'hui, sans les steps qu'on doit faire, non, je ne pense pas qu'on puisse gagner Le Mans. Mais je sais que tous les steps qu'on doit faire sont largement réalisables. Toutes les améliorations qu'on doit apporter sur la voiture vont arriver, on le sait. Arrivé le mois du Mans, je sais qu'on aura tout mis en place pour être en position de se battre pour la victoire, c'est une certitude.

Et plus précisément, sur les problèmes de fiabilité ?

Les problèmes de fiabilité, c'est l'Endurance. Je pense qu'il n'y a pas une seule équipe dans l'Histoire de l'Endurance qui est arrivée sans avoir de problème de fiabilité. C'est comme ça : à chaque fois, on fait des endurances, on fait des tests, il y a une nouvelle pièce qui casse ; elle casse malheureusement, mais une fois qu'elle casse, on comprend pourquoi elle a cassé, on la change, et elle ne cassera plus jamais. Le problème, c'est qu'il y a combien de pièces sur une voiture comme ça ? Il y a beaucoup de choses qui peuvent aller mal, entre l'électronique, le moteur avant, la batterie, le moteur thermique, la pompe à essence… Il y a une tonne de choses qui peuvent mal se passer !

Il n'y a qu'une chose à faire : rouler, rouler, rouler, faire le maximum de kilomètres, et puis on arrive à un moment où toutes les pièces qui doivent casser ont toutes cassé et sont toutes réparées – sont toutes modifiées. On arrive sur une voiture vraiment robuste qui ne casse plus jamais. Il n'y a que l'expérience qui peut résoudre ces problèmes-là, il n'y a rien d'autre. Mais quand on voit nos premiers roulages, le nombre de fois où on devait s'arrêter par rapport à maintenant, la progression est immense. Quand on arrivera au Mans, on aura encore énormément de roulage. Les problèmes de fiabilité seront réglés, c'est sûr.

Stéphane Jouniaux - Je suis juste content de voir mes deux pilotes préférés dans le même team. Nouvelle Gen3, nouveaux défis, et espérons des victoires pour vous deux. Justement, quels sont les principaux défis de la Gen3 ?

C'est un pneu [Hankook, ndlr] très différent du Michelin, donc comprendre ce pneu, comment il fonctionne, pour essayer de l'exploiter le mieux possible. Comprendre la nouvelle philosophie de course qu'on va avoir avec ce nouveau moteur à l'avant, cette nouvelle regen. Je pense que ce sont les deux plus gros défis. Le troisième, c'est essayer de voir les problèmes avant qu'ils arrivent sur le début de saison.

Dalevert - Quel est le pilote qui vous impressionne le plus, que ce soit en Endurance ou en Formule E, et pourquoi ?

Aucun.

Vous-même ?

Non, je ne m'impressionne pas. Si je m'impressionnais, je gagnerais toutes les courses, et je dirais "putain, je suis vraiment fort." Je ne me regarde jamais dans le miroir en disant "putain, mec, t'es vraiment le meilleur." Ça ne m'arrive pas ! Je ne suis fan de personne. Si tu arrives à un moment à une course et que tu commences à être impressionné par un pilote, il faut que tu restes chez toi. Ce n'est pas possible, ça.

Cedrino - Quelle est votre plus belle victoire en Formule E ?

Paris. Gagner à la maison, dans les rues de Paris, devant la Tour Eiffel. C'était assez dingue. Ma plus belle victoire.

Jean-Eric-Vergne, DS Penske

La Gen3 va-t-elle permettre à Vergne de renouer avec la victoire ?

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