Nicki Shields : "La Formule E peut devenir la plus populaire"

Comment décririez-vous votre rôle en Formule E ?

Je suis la présentatrice officielle et la pitlane reporter des programmes télévisés officiels de la Formule E. Je présente également un programme sur CNN International appelé Supercharged, qui ne parle que de Formule E, mais pas seulement des courses, également de ce qui les entoure. Nous évoquons en détail la technologie, les pilotes, les villes que nous visitons, la façon dont les énergies renouvelables sont utilisées pour le transport dans le monde entier.

Mon rôle est de faire connaître la Formule E au monde entier, et de donner aux gens l’envie de la regarder et de se passionner pour la Formule E, pour les courses et pour ce qu’elle représente d’un point de vue environnement ! À l’université, j’ai beaucoup étudié la biologie, le changement climatique et le développement durable, cela me passionne, mais j’étais également une vraie fana de sport auto quand j’étais petite, je regardais la Formule 1, je faisais du karting. C’est génial de pouvoir associer ma vie professionnelle à mes passions.

Vous dites que vous regardiez la Formule 1 quand vous étiez petite. Qui étaient vos pilotes favoris ?

À l’époque, c’était Nigel Mansell, il a toujours été un personnage très intriguant. J’ai fait une interview avec lui lors d’un événement très récemment, il m’a fait faire un tour de circuit dans une vieille Aston Martin DB4, très bien entretenue. Il est encore comme un gosse quand il est au volant ! C’était un événement fermé sur un circuit, la vitesse limite était censée d’être d’environ 30 km/h, ce ne devait être qu’un tour de démonstration, mais dès qu’il prend le volant, c’est pied au plancher, c’était fun !

Ensuite, Damon Hill et Michael Schumacher. Rien ne bat Michael Schumacher. Je n’ai jamais interviewé Michael Schumacher. Mes deux regrets, Michael Schumacher et Michael Jackson, les deux qui nous ont échappé !

Vous attendiez-vous à ce que la Formule E se développe ainsi, vous qui en avez fait partie depuis quatre ans ?

En fait, oui ! Je croyais en l’objectif d’Alejandro Agag, PDG de la Formule E, et en son ambition. Je ne savais pas si cela allait se concrétiser, mais j’espérais que les gens allaient accrocher. Je sais que c’est dur pour les puristes de se convertir à la Formule E, c’est très différent : il n’y a pas de bruit, les voitures ont beaucoup de progrès à faire, mais pour un championnat qui est là depuis moins de quatre ans, il s’est très vite développé. Quand on regarde le calibre des marques qui sont là, avec l’arrivée d’Audi, de BMW, de Porsche, Mercedes, sans oublier la présence de Mahindra, Jaguar… c’est incroyable d’en être là après un si court laps de temps. Alejandro fixe des objectifs ; pour la saison 5, il avait l’objectif d’éliminer le changement de monoplace grâce à la durée de vie de la batterie, et c’est fait. C’est un accomplissement exceptionnel. Si nous continuons à ce rythme de développement, d’ici cinq ans, imaginez où nous serons ?

Pensez-vous que cela pourrait devenir le championnat de sport auto le plus populaire derrière la Formule 1, voire devant ?

Je pense que c’est un énorme compliment fait à la Formule E quand les gens essayent ne serait-ce que de la comparer à la Formule 1. Cette dernière a une histoire et un héritage immense et ça ne va pas changer dans les 50 années à venir. Je pense que la FE peut vraiment devenir la catégorie la plus populaire. À long terme, au final, quand toutes les voitures sur la route seront électriques, les sports mécaniques traditionnels auront-ils leur place ? Ce sera difficile. Pourquoi les constructeurs investiraient-ils dedans s’il n’y a pas de bénéfices ? Mais les voitures électriques ne seront là que pendant une trentaine d’années, et ensuite, ce sera propulsé par l’hydrogène. Il y aura un nouveau championnat, la Formule H ! Le principal, c’est de s’adapter. C’est passionnant d’être dans un championnat qui progresse à un tel rythme grâce à la technologie et à l’innovation. La Formule E ne va pas s’en aller, elle ne fait que se développer.

Si l’on regarde la communauté des fans de sports mécaniques, ils sont très divisés au sujet de la Formule E. Certains disent que les courses sont spectaculaires, d’autres se montrent étonnamment critiques.

Personne n’aime le changement. C’est pareil si l’on parle d’avoir une voiture électrique. Pourquoi voudrais-je une voiture électrique ? Je vais à la station-service, je fais le plein de carburant, je fais ça depuis des années, pourquoi changer mes habitudes ? Les gens n’aiment pas qu’on leur dise quoi faire.

Mais ceux qui sont ouverts d’esprit, les pionniers de la voiture électrique, ceux qui l’ont adoptée très tôt – et je dirais que j’en fais partie, peut-être pas très tôt, mais j’en ai une désormais – se rendent compte qu’un petit changement à son mode de vie, on s’y fait, ça devient une nouvelle habitude, un nouveau mode de vie.

C’est comme avoir réutiliser une bouteille d’eau recyclable qu’on emporte partout avec soi, c’est un nouvel état d’esprit, une habitude différente. Regardez le tabac : on avait le droit de fumer à l’intérieur. Ça a été interdit : scandale ! Cinq ans plus tard, dix ans plus tard, c’est juste répugnant d’imaginer quelqu’un fumer à l’intérieur.

Bref, les gens n’aiment pas le changement, et c’est très facile de critiquer. Mais je pense vraiment que ceux qui adorent la Formule E sont sincères quand ils le disent. Les courses sont spectaculaires, divertissantes. Certes, il y a des défauts, certes cela manque de bruit et un peu de développement technologique, mais les pilotes sont très compétitifs, d’un calibre très élevé. Si les gens adoptent ce changement, ils seront très surpris.

C’est mon père qui m’a passionnée pour le sport auto, il adore ça, il regarderait n’importe quoi tant que ça a quatre roues, voire deux, sur un circuit. Il adore la Formule E, et pas seulement parce que j’y travaille : il adore les courses, c’est une compétition fantastique. Cela va prendre un moment, car tout le monde est un peu borné en sport auto, mais nous les rallierons à notre cause.

On peut aimer le son d’une F1, mais c’est aussi bien d’entendre les pneus crisser et de ne pas avoir besoin de mettre des bouchons d’oreille de peur de devenir sourd.

Vous savez, il y a des choses qui n’existeront jamais en Formule E : se tenir sur une grille de Formule 1 avec 20 moteurs qui rugissent, c’est incomparable. Mais la Formule E le compense différemment. La Formule E, on peut y aller en famille, avec de jeunes enfants. On ne peut pas emmener de petits enfants à une course de Formule 1 ! C’est important de les passionner pour la course quand ils sont jeunes, car nous manquons de jeunes fans. Il faut capturer un nouveau public, les passionner, leur faire rencontrer les pilotes, et même si c’est un peu artificiel, les faire voter pour le FanBoost ! C’est vraiment bien pour toute la communauté du sport auto.

Revenons à Supercharged, que vous présentez sur CNN International et que nos lecteurs visionnent régulièrement sur Motorsport.com. Cette émission sort quelque peu de l’ordinaire : vous vous rendez dans des endroits différents, avec des activités inhabituelles pour les pilotes. Qu’est-ce qui vous a le plus marquée ?

Bonne question ! Récemment, nous nous sommes beaucoup amusés avec António Félix da Costa, pilote Andretti. Il est très bon surfeur au Portugal, donc nous avons fait du surf avec lui à Punta del Este en Uruguay, avec un quintuple Champion uruguayen de la discipline. C’est très fun comme activité loin des circuits. Il a pu démontrer son talent. Nous avons aussi fait une belle balade en bateau avec Jean-Éric Vergne et André Lotterer.

Mais ce que j’ai fait de vraiment cool, ce n’était pas avec un pilote. Nous nous sommes rendus au Chili, qui est l’un des leaders mondiaux des mines de cuivre. Nous avons vu une mine incroyable, c’était stupéfiant, si vaste qu’on ne peut l’imaginer. Voir tout le processus de l’extraction du cuivre, du début à la fin, c’était très intéressant, car il y a quatre fois plus de cuivre dans un véhicule à moteur électrique que dans un véhicule dont le moteur est à combustion interne. La demande de cuivre va être décuplée lors des cinq ou dix prochaines années, donc je vais prendre des actions ! (rires)

Nous avons également fait quelque chose d’incroyable à Monaco, où nous avons conduit l’un des tout premiers bateaux propulsés par l’énergie solaire. Par ailleurs, nous nous sommes rendus au lac salé de Bonneville, où nous avons vu la Venturi battre le record de vitesse pour un véhicule électrique, à 341 mph (549 km/h). Nous avons rencontré des gens incroyables, des sources d’inspiration. Le gars de Solar Impulse qui a fait le tour du monde dans un avion propulsé par l’énergie solaire. Espérons qu’avoir rencontré ces pionniers aidera à faire passer le message des moyens de transport écologiques.

Avez-vous un message pour les lecteurs francophones de Motorsport.com ?

Regardez CNN Supercharged car c’est la combinaison de vos pilotes favoris, vos villes favorites, plein de spectacle en piste et… moi ! (rires) Nous vous emmenons dans les coulisses de la Formule E, que vous ne verrez nulle part ailleurs !