Bilan mi-saison 2/3 - Quand Jorge Lorenzo redevient débutant
Difficultés, sensations, déception... Voici probablement les trois mots les plus récurrents chez ceux qui, en changeant de constructeur, n'ont pas réalisé la 1re moitié de saison rêvée. Parmi eux, Lorenzo se trouve dans une situation emblématique.
Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images
Jorge Lorenzo aime les statistiques, mais celles de sa première moitié de saison avec Ducati ne sont pas les plus élogieuses qu'il ait connues au cours de sa carrière, loin de là. Actuellement neuvième du championnat, il compte une troisième place pour meilleur résultat au cours de sa première moitié de campagne avec l'équipe italienne. Si l'on exclut sa chute en Argentine et son tour de retard aux Pays-Bas qui faisait suite à un passage par les stands, ses plus faibles positionnements à la régulière sont ses 11e places au Qatar et en Allemagne.
Jusqu'à présent, une seule saison, celle de 2014, avait vu Lorenzo privé de victoire au cours des neuf premières courses, pourtant à l'époque il avait engrangé 97 points et signé trois podiums, là où il compte à ce jour une seule arrivée dans le top 3 et un total de 65 points. Le contraste avec son rendement habituel est saisissant : en neuf ans de MotoGP, il comptait une moyenne de 16,6 points par course, or celle-ci est tombée à 7,2. En comparaison, Valentino Rossi était passé d'une moyenne de 18,3 (sur 11 ans) à 10,8 lorsqu'il avait rejoint Ducati, en 2011.
L'exemple de Rossi était précisément celui qui hantait les couloirs de Borgo Panigale à l'heure de signer le Majorquin, l'an dernier, le scénario catastrophe à ne reproduire sous aucun prétexte. Cette fois, il fallait capitaliser sur cette recrue de taille, auréolée d'un palmarès qui devait promettre de belles heures à venir. C'était le bon moment, disait-on chez Ducati, le projet étant suffisamment mûr pour repartir en quête d'un titre.
Triplement couronné en catégorie reine, Lorenzo arrivait à Borgo Panigale comme la star recrutée par le constructeur italien à un stade de son programme qui lui permettait de ne pas gâcher cette pépite d'or. "Notre projet prévoyait que, à partir du moment où Ducati aurait réussi à faire courir une moto compétitive, à l'égal de Honda et Yamaha, nous aurions tenté de prendre un top rider afin de ramener à Borgo Panigale le titre mondial", expliquait Paolo Ciabatti.
Et Gigi Dall'Igna prévenait immédiatement : "Un champion, ça ôte beaucoup de doutes. Quelqu'un qui a remporté cinq titres, comme Jorge, peut aussi ôter les dernières excuses qui peuvent exister dans la quête d'un championnat du monde." Le message était clair : Lorenzo avait tout pour gagner, c'était à Ducati de lui en donner les moyens techniques.
Bien entendu, chacun appréhendait que le numéro 99 aurait eu besoin de temps pour prendre en main la Desmosedici, lui qui n'avait connu que la Yamaha durant ses neuf ans de MotoGP. Lui-même s'y attendait, mais avait-il anticipé qu'il rencontrerait autant de difficultés ? Qu'un "simple" podium lui procurerait une joie sans pareille comme ce fut le cas à Jerez ? À l'heure de dresser le bilan de mi-saison, il est indéniable qu'il n'a pas réalisé l'exploit de réussir un tel changement de constructeur sans connaître d’embûches et, avouons-le, sa première moitié de championnat en rouge est une déception.
Grand Prix |
Position en course |
Retard sur le vainqueur |
Comparaison avec les autres pilotes Ducati |
Qatar |
11e |
+20"516 |
3e pilote Ducati |
Argentine |
chute |
|
|
Amériques |
9e |
+17"979 |
3e pilote Ducati |
Espagne |
3e |
+14"767 |
1er pilote Ducati |
France |
6e |
+24"002 |
2e pilote Ducati |
Italie |
8e |
+14"393 |
4e pilote Ducati |
Catalogne |
4e |
+9"608 |
2e pilote Ducati |
Pays-Bas |
15e |
+1 tour (arrêt au stand) |
5e pilote Ducati |
Allemagne |
11e |
+25"659 |
3e pilote Ducati |
La phase d'apprentissage, certes attendue et logique, s'installe dans le temps et la courbe de ses performances ne progresse que lentement. Si Andrea Dovizioso lui-même continue de pointer du doigt les faiblesses de la GP17, force est de constater que celle-ci a remporté deux des neuf premiers Grands Prix aux mains de l'Italien, qui a par ailleurs mené le championnat, et qu'elle a figuré deux fois sur le podium avec Danilo Petrucci. Pilote le moins connaisseur de cette machine si spécifique, si différente des japonaises, Jorge Lorenzo, lui, a signé un podium. Après les neuf premiers rounds, la paire Lorenzo-Ducati n'a marqué que 65 points, 60 de moins que Dovizioso qui s'est affirmé comme un prétendant au titre grâce à ses victoires et à une régularité seulement entachée par une chute en Argentine qui n'était pas de son fait.
À sa décharge, le Majorquin a été le mieux qualifié des pilotes Ducati à Austin (sixième), Jerez (huitième) et Barcelone (deuxième). En revanche, il a aussi obtenu sa plus faible qualification depuis 2003 (!) en se plaçant 21e sur la grille d'Assen et il a dû en passer cinq fois par la Q1 (ou "aurait dû" si l'on compte le Qatar, dont les qualifications ont finalement été annulées), un revers de taille pour un pilote qui se dispute le record du nombre de pole positions toutes catégories confondues avec Márquez et Rossi.
Dans la moyenne basse des débutants en rouge
Depuis l'entrée en scène de la marque en MotoGP, en 2003, six pilotes ont réalisé de meilleurs débuts que le Majorquin avec Ducati, et il convient d'observer que ceux qui ont fait moins bien n'arrivaient pas à Borgo Panigale avec le statut de "superstar" qui peut être le sien – ni avec son salaire, diront certains.
Si l'on met en regard les débuts de Lorenzo avec Ducati et ceux des pilotes qui ont tenté l'aventure avant lui, six pilotes ont fait mieux lors de leurs neuf premières courses avec l'équipe officielle de Borgo Panigale. Casey Stoner est, bien entendu, celui qui s'est le mieux adapté à la Desmosedici, sachant qu'il a remporté cinq de ses neuf premières courses et, quelques mois plus tard, son premier titre – le seul décroché à ce jour par Ducati.
Un seul autre pilote a lui aussi gagné sur ce laps de temps, en l'occurrence Loris Capirossi. Quant à Andrea Dovizioso, il n'avait signé aucun podium durant ces neuf premières courses, mais comptait néanmoins plus de points que n'en a obtenu jusqu'à présent le Majorquin. Troy Bayliss, Valentino Rossi et Andrea Iannone en avaient eux aussi glané plus. Ce dernier se démarque toutefois sur un point : il avait déjà couru durant deux ans avec la Ducati au sein du team Pramac. Parmi les pilotes qui ont marqué moins de points que Jorge Lorenzo durant leurs neuf premières courses avec l'équipe officielle, Sete Gibernau a la particularité d'avoir été blessé lors du fameux carambolage survenu au départ du GP de Catalogne 2006 et qui l'a privé de trois courses.
Pilote | Points | Victoires | Podiums |
---|---|---|---|
Casey Stoner | 185 | 5 | 7 |
Andrea Iannone | 118 | 0 | 2 |
Valentino Rossi | 98 | 0 | 1 |
Loris Capirossi | 96 | 1 | 3 |
Andrea Dovizioso | 81 | 0 | 0 |
Troy Bayliss | 79 | 0 | 2 |
Jorge Lorenzo | 65 | 0 | 1 |
Carlos Checa | 51 | 0 | 0 |
Nicky Hayden | 46 | 0 | 0 |
Sete Gibernau | 44 | 0 | 0 |
Marco Melandri | 32 | 0 | 0 |
Cal Crutchlow | 28 | 0 | 0 |
On le sait, les comparaisons entre époques différentes n'ont qu'une véracité limitée, car chaque période a des paramètres à part entière et les dynamiques du championnat ont eu tout le temps d'évoluer au gré de la compétitivité acquise par certains constructeurs. Cependant, les propos tenus il y a plus d'un an par Gigi Dall'Igna résonnent encore aujourd'hui : il n'y a pas d'excuses à avoir.
Il est donc temps d'inverser la tendance et un changement devra assurément s'opérer dans les prochains mois. Reste à voir si c'est Ducati qui ira vers son pilote en modifiant une moto qui a pourtant prouvé qu'elle était apte à gagner en l'état comme cela a été suggéré ces derniers mois, ou bien si c'est Lorenzo qui se rapprochera de sa nouvelle machine en changeant l'ADN d'un style de pilotage qui a fait de lui un multiple Champion du monde comme il a commencé à le faire. Et surtout, cela sera-t-il suffisant pour qu'un mariage entamé par des résultats modestes se transforme en une union fructueuse d'ici à l'année prochaine ?
Avec Matteo Nugnes
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