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Comment résoudre la crise que traverse le WRC

Le départ de Citroën du WRC fin 2019 n'est que la partie émergée de l'iceberg, si l'on prend en compte l'intégralité des problèmes du Championnat du monde des Rallyes.

Teemu Suninen, Jarmo Lehtinen, M-Sport Ford WRT Ford Fiesta WRC

Teemu Suninen, Jarmo Lehtinen, M-Sport Ford WRT Ford Fiesta WRC

McKlein/LAT Images

Lorsque vous êtes en bord de route pendant les rallyes sur terre, vous vous habituez aux sons qui arrivent en votre direction. Il y a le blocage immédiat des roues lorsque le pied gauche écrase la pédale du milieu, le claquement du système anti-lag qui accompagne le retrait du pied droit de l'accélérateur, et les bruits de transmission lors de la descente des rapports qui marque l'approche. Enfin, il y a les montées en régime et la glisse provoquée par l'action du frein à main pour faire pivoter la voiture au point de corde.

Où regarder ? Si vous tentez de regarder l'approche, vous allez manquer l'action devant vous. Les muscles du cou ne peuvent simplement pas lutter avec la vitesse pure de l'actuelle génération des voitures de WRC. Il faut comprendre ce que le Championnat du monde des Rallyes peut faire aux gens : il déclenche des émotions intenses. Comme cet homme vu au bord d'une route du Rallye du Portugal, cet adulte qui a fondu en larmes devant le passage de ces voitures, et dont le mot "Quattro" prononcé de manière à peine perceptible à ce moment-là laissait entendre que son esprit venait d'être renvoyé aux redoutables voitures homologuées Groupe B, durant la première partie des années 80.

 

Une association d'idées qui peut toutefois être inquiétante, tant on craint de voir le WRC finir dans la même impasse que celle rencontrée à l'époque du Groupe B. Et les dernières semaines de l'année 2019 n'ont rien eu de rassurant pour l'avenir de la discipline. Annulation du Rallye d'Australie, perte du Rallye du Chili, annulation du lancement de la saison 2020 lors de l'Autosport International, le retrait de Citroën et celui de Škoda en tant que constructeur officiel du WRC-2. Aussi optimiste qu'on puisse être, c'est un enchaînement qui en dit long, en tous cas à long terme, sur une santé certainement déclinante. Mais si l'on veut rester positif, il est important de prendre un instant pour en comprendre les raisons, qui sont totalement indépendantes.

Les incendies en Nouvelle-Galles du Sud n'ont rien à voir avec les violentes manifestations à Santiago du Chili, de même que la décision brutale de Citroën n'est en rien similaire à celle de Škoda, qui a tout de même décidé de soutenir certains pilotes de manière privée. Quant à l'annulation de la traditionnelle présentation de la saison à Birmingham, il était difficile de prévoir qu'elle coïnciderait avec un événement prévu de longue date au Japon pour Toyota, et avec une réunion des managers principaux de Hyundai en Corée du Sud le même week-end.

Cependant, cela ne veut pas non plus dire que tout va bien en WRC, puisqu'il se dit que le départ de Citroën serait notamment dû au manque de visibilité à long terme sur la santé du championnat. Officiellement, la marque aux chevrons s'est retirée à la suite du départ de Sébastien Ogier pour Toyota, mais ça n'a que peu de sens. Citroën en avait déjà terminé avec le WRC durant l'été, ce qui était déjà perceptible par le refus de la PDG de la marque, Linda Jackson, de répondre à nos sollicitations au sujet de la réglementation hybride lors du Festival of Speed de Goodwood.

 

L'ensemble du programme de la C3 WRC a été sous-financé, et les coupes budgétaires effectuées début 2018 sous l'impulsion du PDG de PSA, Carlos Tavares, n'ont rien arrangé. À quel point ces coupes budgétaires ont-elles affecté l'équipe ? Au point que ses employés reçoivent des shorts et t-shirts en guise de vêtements chauds. Et si de telles restrictions étaient mises en place, le développement et les essais en ont évidemment pâti, et les victoires et titres demandés ne pouvaient pas être obtenus en réduisant autant la force de frappe de l'équipe.

Maintenant que Citroën s'est retiré, des détails sur la gestion du programme continuent de faire surface et ne chantent pas les louanges du constructeur. Le licenciement de Kris Meeke et Paul Nagle après leur sortie de piste, certes violente, au Rallye du Portugal 2018, apparaît aujourd'hui bien plus rude compte tenu des résultats que l'équipage tentait d'accomplir avec le matériel à disposition. Quant aux employés qui se sont dévoués à la cause du constructeur lors des trois saisons de ce programme, et durant les mois de développement qui ont précédé ce retour, ils méritaient mieux qu'un simple communiqué de presse rejetant la faute sur un sextuple Champion du monde pour expliquer la fin de l'aventure. 

Malgré cette crise, le WRC continue d'attirer les foules, en dépit de changements réguliers sur les droits de diffusion, et donc sur la manière de suivre la compétition. En 2019, 825 millions de personnes ont suivi du WRC à la télévision, tandis que l'arrivée de WRC+ Live permet également de suivre 30 heures de diffusion par week-end, soit l'intégralité des spéciales de chaque épreuve en direct. Et sur les réseaux sociaux, la popularité du WRC continue de croître, avec une hausse de 6% de ses fans sur Facebook et de 68% sur Instagram, avec respectivement 2,65 millions et 1,19 million d'abonnés aux pages.

 

Le promoteur du Championnat du monde, Olivier Ciesla, assure avoir entendu l'argument de la diffusion télé à de nombreuses reprises et s'il ne nie pas les bienfaits d'une telle exposition, rappelle que ce n'est pas ce qui fait vivre un championnat : "Je ne dis pas que ce ne serait pas bien d'avoir plus de présence à la télévision gratuite, mais seule, elle n'est pas la solution. Comme toute forme de divertissement au monde, quand elle arrive à la télévision, soit le marché le demande, soit vous payez du temps de diffusion, mais ça ne vous garantit pas un public. Passer à la télé est le premier pas. La deuxième étape est d'attirer le public qui s'assoit ensuite devant la télé et regarde."

Les réseaux sociaux sont d'ailleurs un bon outil pour attirer des téléspectateurs, mais ils ne sont pas la seule manière d'y parvenir, et les responsables de la discipline pensent que le WRC devrait suivre le plan dressé par le président de la FIA, Jean Todt, il y a une dizaine d'années. Yves Matton, directeur du rallye pour la fédération, rappelle que l'objectif de son président était de ramener l'aspect mondial au centre du WRC.

"Le championnat doit aller vers trois nouvelles destinations : la Chine, la Russie et l'Amérique du Nord", explique l'ancien directeur de Citroën Racing. "Et nous travaillerons ensemble avec le promoteur pour permettre d'aller vers ces pays. L'approche sera différente, nous serons proactifs, nous irons sur le marché et étudierons comment nous pouvons organiser un rallye en Amérique, en Russie et en Chine, entre aujourd'hui et dans cinq ans. C'est une requête des actionnaires."

 

Malgré l'arrivée du Rallye du Japon et le retour du Kenya et de la Nouvelle-Zélande, il semble indispensable d'atteindre les trois pays cités ci-dessus, ainsi que l'Inde. En effet, les nouvelles épreuves de la saison 2020 ne sont pas forcément durables sur le long-terme, puisque le Kenya et la Nouvelle-Zélande ne sont pas des marchés automobiles forts, et les coûts associés à de tels déplacements ont plusieurs fois fait remonter à la surface la réflexion selon laquelle ces places disponibles auraient pu être utilisées à meilleur escient pour l'avenir du Championnat.

Les coûts trop importants ne sont toutefois pas liés au calendrier, mais bien à la génération actuelle des voitures du WRC. Elles sont de toute évidence bien trop chères. Le budget de Citroën n'a pas pu soutenir un engagement à trois voitures, et l'époque des listes d'engagés sur lesquelles fleurissaient les pilotes privés semble révolue. Même les pilotes les plus soutenus que sont Mads Østberg et Lorenzo Bertelli n'ont pas réussi à rester, après avoir loué des World Rally Cars en 2017. Martin Prokop et Khalid Al-Qassimi, qui n'étaient certes pas des candidats au podium mais garnissaient les rangs du WRC, ont abandonné leurs espoirs de rouler en mondial. 

Hayden Paddon a fait partie des pilotes se rabattant sur la réglementation R5 en 2019, après que ses deux possibilités de courir pour M-Sport se sont envolées, pour diverses raisons. Lorsqu'il a eu à constituer un budget, il a pu comparer le prix entre les WRC et les R5. Le prix pour gagner 1,5 seconde au kilomètre ? Quatre fois celui d'une voiture engagée en WRC-2. Une WRC coûtera environ 270'000 euros pour un engagement sur une manche, et il faudra compter 885'000 euros pour se porter acquéreur d'une de ces machines. Et leur exploitation est encore plus onéreuse, puisque leur complexité aérodynamique aura plus facilement raison des splitters et déflecteurs en tous genres, ajoutant des factures de réparation qui se compteront en milliers d'euros.

 

Malheureusement, la prochaine génération de voitures n'est guère rassurante. L'adoption inévitable d'une motorisation hybride fera franchir pour la première fois la barre du million d'euros à chacun des exemplaires créés. Une folie totale qui s'éloigne de l'esprit même du WRC. Pendant de nombreuses années, le Championnat du monde des rallyes a permis à des héros locaux de s'illustrer au milieu des pointures internationales, à l'image de Mark Higgins dans la Ford Focus RS WRC, de Possum Bourne en Nouvelle-Zélande, ou encore de Manfred Stohl, qui luttait avec les pilotes d'usine au milieu des années 2000. Il était aussi possible de voir Bryan Bouffier s'illustrer lors d'un Rallye Monte-Carlo, qui était sa seule participation de la saison à ce niveau. Mais cette époque, qui permettait pourtant d'attirer de l'attention sur la discipline à l'échelle locale, est révolue et ne reviendra pas de sitôt.

Les constructeurs ont jusqu'au mois d'avril pour valider ce passage à une ère hybride, qui avait également été très coûteuse en Formule 1, mais la FIA se prépare également à une alternative, au cas où les marques ne s'engageraient pas sous de tels termes. Et cette option attractive, qui pourrait s'inspirer de la réglementation R5, est déjà largement envisagée au sein du département technique de la fédération. 

Sept constructeurs ont déjà homologué un modèle en catégorie R5 en six ans, des centaines ont été vendues, et les possibilités d'évolution sur ces voitures pourrait permettre d'en créer une version musclée, sans toucher à ce qui en fait l'essentiel, à savoir leur accessibilité. Le moteur, actuellement bridé, pourrait avoir la possibilité de respirer davantage, la transmission pourrait être revue, et il ne serait pas compliqué de développer des évolutions aérodynamiques agressives, mais pas forcément efficaces, afin de ne pas rendre les machines trop complexes à régler ni à piloter.

 

C'est évidemment une vision simpliste du problème et de sa potentielle solution, mais la FIA garde une telle possibilité à l'étude. Réduire les coûts de moitié et permettre des factures de réparation moins salées est évidemment attirant. Mais après avoir développé les voitures les plus rapides de l'Histoire du WRC, les ingénieurs de la discipline semblent moins emballés à l'idée de revenir à des voitures certes plus accessibles, mais moins pointues technologiquement.

"Je ne pense pas qu'une World Rally Car basée sur une R5 puisse offrir un championnat digne de s'appeler World Rally Championship", a expliqué le directeur technique de Toyota, Tom Fowler. "D'un point de vue technique, poser l'aérodynamique des voitures actuelles sur quelque chose d'autre ne fonctionnera pas, cela n'amènera pas de performance, et il faudra être encore plus prudent au sujet de la sécurité. Les règlements ne sont pas alignés et nous devrions réfléchir prudemment à ce pour quoi les R5 ont été conçues. Mettre plus de puissance dans une voiture qui n'est pas autant développée en termes de sécurité n'est pas une bonne idée. Ce serait difficile d'ajouter ces [normes de sécurité] a posteriori sur les R5, tout en essayant d'en faire des voitures hybrides. Pour moi, ça rendrait l'évolution bien trop compliquée."

Un avis que partage Sébastien Ogier, qui est un grand défenseur des WRC actuelles et du spectacle visuel qu'elles apportent : "En un sens, ces voitures sont plus chères, mais elles ont amené un vrai atout pour le spectacle, plus que n'importe quelle voiture ayant roulé auparavant, et en cela elles sont positives. Peut-être que les coûts sont trop élevés et qu'ils faut les rééquilibrer pour les réduire, mais il est aussi important d'avoir des voitures spectaculaires que les fans aiment voir, et si vous demandez aux pilotes, nous aimons évidemment piloter de telles voitures."

 

Si les constructeurs venaient à refuser de signer l'accord sur les motorisations hybrides pour 2022, la FIA aurait alors l'opportunité de prendre les rênes du problème et de présenter un règlement bien plus adapté aux contraintes économiques modernes. Bien sûr, il y aurait le risque de voir Hyundai et Toyota retirer leur présence officielle face à une discipline dont les aspects technologique et spectaculaire seraient réduits, mais la diminution des coûts pourrait de toute évidence aider à attirer de nouveaux constructeurs.

Et surtout, une solution basée sur la réglementation R5 pourrait permettre de retrouver l'une des attractions du championnat, la présence d'équipes et pilotes privés. Outre la possibilité de voir revenir des gentlemen drivers, cette alternative aiderait grandement à proposer des programmes pour les jeunes pilotes. La possibilité offerte à Citroën de justifier son retrait par le manque de Champions du monde potentiels sur le marché a également mis en lumière l'absence d'une véritable filière de jeunes pilotes. Outre les noms de Kalle Rovanperä et Oliver Solberg, la prochaine génération tarde à se profiler. Beaucoup de pilotes payent pour le privilège de rouler en WRC, mais cela se fait de toute évidence au détriment de potentiels futurs pilotes de pointe.

Le problème pourrait être résolu en obligeant par exemple les constructeurs à confier leur troisième voiture à un pilote de moins de 25 ans, et aligné au sein d'une structure de développement. Il sera impossible d'empêcher la présence de pilotes payants, ce serait une folie de croire que c'est possible, et leur contribution permet d'avoir de belles listes d'engagés, mais il faut tout de même trouver le moyen d'élargir la liste des candidats au titre, qui se résume pour l'instant à trois noms. Et si l'on proposait un plateau constitué de nombreux candidats à la victoire, voire au titre, le type de voitures utilisés et leur aspect spectaculaire prendraient tout à coup moins d'importance.

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