Le 400e GP : La malchance de Prost, la prise de pouvoir de Lauda
À l'occasion du 1000e GP du Championnat du monde de F1, Motorsport.com vous fait revivre les épreuves aux nombres symboliques de l'Histoire de la discipline. Voici le récit du 400e Grand Prix, celui d'Autriche 1984.
Photo de: LAT Images
Le 1000e GP du Championnat du monde de F1
À l'occasion du 1000e GP du Championnat du monde de F1, en Chine, Motorsport.com revient sur des moments historiques de la discipline.
La douzième des 16 épreuves de la saison 1984 de F1 a lieu sur le circuit de l'Österreichring, en Autriche (site de l'actuel Red Bull Ring). Depuis le début de l'année, les McLaren, pilotées par Alain Prost et Niki Lauda ont la main sur le championnat. Le Français mène d'ailleurs les débats depuis la toute première manche, mais depuis deux courses l'écart s'est réduit avec son équipier.
Sur la piste autrichienne, les qualifications accouchent d'une pole signée par Nelson Piquet (Brabham) en 1'26"173, Prost échouant à 0"030 du Brésilien en seconde position et Elio de Angelis (Lotus) à 0"145 sur le troisième emplacement. Lauda, quatrième sur la grille, est repoussé à une demi-seconde. En dehors de la lutte pour les avant-postes, la grille de départ du Grand Prix d'Autriche 1984 est historique : c'est la première fois depuis le GP de Monaco 1967 qu'aucun V8 Cosworth ne débute une course, la faute au développement des turbos et à l'incapacité pour les Tyrrell, seules voitures à propulseur atmosphérique, de se qualifier.
Départ du tour de formation
Départ confus
Au départ, la confusion règne. Les voitures se positionnent sur la grille, la procédure est lancée mais Elio De Angelis, troisième, et Huub Rothengatter, dernier, lèvent les bras pour signaler qu'ils ont calé. Le starter décide d'interrompre le départ, mais en voulant faire passer les feux à l'orange un court-circuit se produit et c'est le vert qui s'affiche un instant. Immédiatement, une partie du peloton fonce vers le premier virage tandis que l'autre hésite, voyant les feux passer enfin à l'orange. Quelques pilotes se retrouvent coincés derrière la Lotus de De Angelis, dans une ligne droite à l'étroitesse légendaire.
Alors qu'un groupe de quatre pilotes s'est constitué en tête, avec Prost devant Piquet, Lauda et Ayrton Senna (auteur d'un départ canon depuis la dixième place), la course est interrompue par un drapeau rouge, chose dont l'avant du peloton ne se rend compte... qu'au moment de finir ce premier tour.
Niki Lauda devant Nigel Mansell et Ayrton Senna, au milieu du peloton après le départ
Un second départ est donné et cette fois, il sera le bon. De nouveau, Prost surprend Piquet, le Brésilien manquant même de se faire passer par De Angelis. Mais de façon incroyable, la Brabham reprend de la vitesse assez vite pour se blottir dans les échappements de la McLaren et pour plonger à l'intérieur du premier virage, reprenant immédiatement les commandes de l'épreuve de façon très autoritaire. Derrière eux, Tambay a effectué un excellent départ et s'accroche au duo.
Cependant, cela ne dure pas. Le Français est bientôt décroché, en proie à des problèmes de pneus, et Lauda, qui s'est joué de De Angelis puis de Warwick, est à ses basques. Dans le neuvième tour, l'Autrichien va doubler sur son adversaire dans Bosch Kurve en réaccélérant mieux. La McLaren du double Champion du monde peut alors se lancer sur les traces du duo de tête.
Huile piégeuse
Piquet et Prost séparés de deux secondes environ et dans une lutte chronométrique intense, Lauda revient progressivement et au 27e tour, la jonction est faite. Une boucle plus tard survient le tournant de la course et certainement de la saison. Le moteur de la Lotus de De Angelis explose, mais l'Italien, au lieu de se garer sur le bas côté, décide de regagner les stands. Il répand de l'huile sur la piste et notamment dans la courbe Rindt.
Nelson Piquet devant Alain Prost
Les commissaires de piste mettent un peu de temps à signaler que le circuit est devenu glissant et c'est alors qu'arrivent les leaders, dans le 29e tour. Piquet part en glisse sur l'huile mais parvient à contrôler sa Brabham, la même chose se produit pour Prost mais le Français ne peut contre-braquer correctement. En effet, depuis quasiment le début de la course, la boîte de vitesses du leader du championnat est défaillante et la quatrième saute. Contraint de maintenir sa main sur le levier dans la courbe, il perd le contrôle à une seule main et ne peut rien faire pour éviter la sortie de piste et le calage du moteur. C'est l'abandon pour le leader du championnat.
Lauda désormais second, il a devant lui un Piquet qui commence à souffrir des pneus arrière. Il revient sur le Brésilien facilement mais tâche d'attendre que l'état de la piste s'améliore pour se risquer à une manœuvre. À une première tentative infructueuse au 34e tour, à l'approche de Bosch Kurve, succédera un nouvel échec à l'entame du 40e passage, en tentant de se servir du trafic généré par la Ferrari d'Alboreto. Cependant, cela ne sera que très provisoire puisque Lauda fait l'extérieur à Piquet dans la courbe suivante. Le public, venu en nombre devant la perspective d'un premier succès de son pilote à domicile, explose de joie.
C'est dans la boîte
Nelson Piquet devant Niki Lauda
Désormais battu, Piquet ralentit encore le rythme pour ménager ses gommes. Lauda s'échappe très vite mais au 42e passage, il entend derrière lui un bruit énorme : c'est la boîte de vitesses. Le quatrième rapport vient de sauter. Lauda ralentit fortement et lève un bras pour se signaler aux pilotes qui arrivent derrière.
La suite, c'est Lauda lui-même qui la raconte, en 2016 : "J'allais garer la voiture et puis je me suis dit que ça faisait un long chemin pour revenir en marchant aux stands. C'est la seule raison pour laquelle j'ai essayé, avec la boîte de vitesses, de trouver une autre vitesse. Et soudainement la [troisième] était de retour, la quatrième était cassée et je me suis dit : 'Désormais je peux rouler lentement jusqu'aux stands'. Mais quand je suis arrivé près des stands, après une autre moitié de tour, j'ai pensé que je pouvais quand même piloter avec le troisième et le cinquième rapport, direct. Et donc j'ai continué parce que j'étais trop paresseux pour marcher."
Lauda ne peut cependant pas maintenir un rythme élevé et souhaite surtout essayer de sauver les meubles en terminant au moins parmi les six premiers. Il s'attend à ce que Piquet le rattrape en quelques tours mais le spectacle de la fin de course est étonnant. La McLaren roule à un rythme si bas que la RAM de Jonathan Palmer la dépasse sans mal, mais Piquet, à l'instar de son écurie, croit simplement que le leader ménage sa monture comme il en a l'habitude en fin de course. Le Brésilien ne tente absolument rien pour essayer de reprendre du temps, pensant simplement que Lauda serait capable de hausser la cadence au besoin.
Niki Lauda
Finalement, Niki Lauda remporte le Grand Prix d'Autriche 1984 avec plus de vingt secondes d'avance sur Nelson Piquet. Derrière eux, Michele Alboreto prend la troisième position devant un incroyable Teo Fabi. L'Italien, sur l'autre Brabham, avait en effet calé lors du second départ et s'était retrouvé bon dernier. Les dernières places dans les points sont pour les Arrows de Thierry Boutsen et de Marc Surer.
"Piquet et moi avons marché jusqu'à l'estrade du vainqueur", racontait Lauda, toujours en 2016. "Il m'a demandé comment les choses s'étaient passées. Eh bien, lui ai-je dit, ma quatrième vitesse était morte. J'ai deviné à son expression à quel point il était désemparé d'avoir laissé cette opportunité lui échapper. Il aurait pu gagner ce Grand Prix si facilement. De toutes les courses qui ont décidé du Championnat du monde en 1984, d'une façon ou d'une autre le Grand Prix d'Autriche a été la plus chanceuse. Ce fut une heureuse coïncidence que ça arrive en Autriche."
Grâce à ce résultat, Lauda mène le classement pilote pour la première fois de la saison et cela durera jusqu'au drapeau à damier du dernier GP, au Portugal. L'Autrichien remportera ainsi son troisième et dernier titre mondial pour un demi-point face à son équipier Prost.
Grand Prix d'Autriche 1984
Pos | Pilote | Voiture/Moteur | Tours | Écart/Cause |
---|---|---|---|---|
1 | Niki Lauda | McLaren/TAG | 51 | 1:21'12.851 |
2 | Nelson Piquet | Brabham/BMW | 51 | +23,525 |
3 | Michele Alboreto | Ferrari | 51 | +48,998 |
4 | Teo Fabi | Brabham/BMW | 51 | +56,312 |
5 | Thierry Boutsen | Arrows/BMW | 50 | +1 tour |
6 | Marc Surer | Arrows/BMW | 50 | +1 tour |
7 | René Arnoux | Ferrari | 50 | +1 tour |
8 | François Hesnault | Ligier/Renault | 49 | +2 tours |
9 | Jonathan Palmer | RAM/Hart | 49 | +2 tours |
10 | Riccardo Patrese | Alfa Romeo | 48 | Panne d'essence |
11 | Philippe Alliot | RAM/Hart | 48 | +3 tours |
12 | Gerhard Berger | ATS/BMW | 48 | Boîte de vitesses |
Ab | Patrick Tambay | Renault | 42 | Moteur |
Ab | Ayrton Senna | Toleman/Hart | 35 | Pression d'huile |
Ab | Nigel Mansell | Lotus/Renault | 32 | Moteur |
Ab | Alain Prost | McLaren/TAG | 28 | Sortie de piste |
Ab | Elio De Angelis | Lotus/Renault | 28 | Moteur |
NC | Huub Rohengatter | Spirit/Hart | 23 | +28 tours |
Ab | Eddie Cheever | Alfa Romeo | 18 | Moteur |
Ab | Derek Warwick | Renault | 17 | Moteur |
Ab | Andrea de Cesaris | Ligier/Renault | 15 | Injection |
Ab | Keke Rosberg | Williams/Honda | 15 | Tenue de route |
Ab | Jacques Laffite | Williams/Honda | 12 | Moteur |
Ab | Jo Gartner | Osella/Alfa Romeo | 6 | Moteur |
Ab | Piercarlo Ghinzani | Osella/Alfa Romeo | 4 | Boîte de vitesses |
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